jeudi 12 mars 2015

Participer à la vie de la cité


(dans: Le jeudi 12 mars 2015 )

Pour les gouvernements successifs les politiques d’intégration soignaient la façade: un peu d’accueil par-ci, un peu de subsides par-là. Les choses vont -elles changer? Si donc l’intégration concerne les uns et les autres, les « newcomers » commme les « anciens » , reste à savoir comment les uns et les autres sont appelés, incités, encouragés à avancer ensemble sur la route des droits égaux.
En matière de participation les portes sont grandes ouvertes au plan des élections communales et européennes, sans que l’on puisse constater une ruée des étrangers vers ces nouveaux droits. Preuve que l’intégration n’est pas encore aussi aboutie qu’on veut bien le faire croire. Le vote obligatoire rend superflu  toute question sur la participation des Luxembourgeois aux élections, sauf pour ce qui est de l’inscription des étrangers sur les listes électorales. C’est ainsi que lors des élections européennes de juin 2014 il n’a guère été question de celles et de ceux qui auraient pu y participer, mais ne l’ont pas fait. Le taux d’inscription des citoyens d’un autre Etat membre était de 12, 2%  . Est – ce la participation de certains parmi eux au scrutin dans leur pays d’origine qui suffit à éluder la question ? Y a-t-il eu réflexion, y aura –t- il réflexion à ce sujet? Je suis porté à croire que non, avant les prochaines échéances électorales le tout sera couvert –comme d’habitude - par des campagnes bidon d’inscription ! Revenons aux dispositions du traité de Maastricht. On y préconise l’accès au droit de vote des citoyens de l’UE aux mêmes conditions que pour les nationaux. Or, les Luxembourgeois sont inscrits d’office sur les listes électorales. Aux mêmes conditions signifierait inscription d’office des étrangers, une fois atteint la durée de séjour requise.   Si les dérogations obtenues à Maastricht  par le Luxembourg ont pour une large part déjà été abandonnées, elles valent encore e.a. pour la durée de séjour requise.
Le député Camille Gira avait fait adopter par la Chambre des Députés en janvier 2011  une motion invitant le gouvernement  « à l’issue des élections (communales) du 9 octobre 2011, d’analyser le déroulement de ces élections et de rediscuter les dispositions relatives au délai de résidence en vue de le réduire. » 2011 est loin, la motion est restée sans effet à ce jour !
Précurseur
Ce qui est inimaginable dans nos pays voisins, se concrétise  au Luxembourg :  on  chemine paisiblement vers un référendum pour accorder le droit de vote national aux étrangers.
Reste à savoir de ce qu’il en est de la participation des non – luxembourgeois au sein des partis politiques. Tant qu’ils (et elles) n’en seront pas une partie consistante à tous les niveaux, les partis se mettront à en aligner en dernière minute l’un(e) ou l’autre sur une liste de candidats et continueront à parler DES étrangers plutôt qu’AVEC eux dans leurs instances.
Les réticences dans la population ne sauront être vaincues que si les partis politiques seront à l’image de la société multiculturelle luxembourgeoise.

Au de-là du vote
Mais le vivre ensemble ne se résume pas aux aspects formels de la vie démocratique et la prise en main de l’Office Luxembourgeois de l’Accueil et l’Intégration par la nouvelle Ministre est un premier pas dans cette direction. Fini avec des conventionnés qui n’avaient même pas besoin de fournir un rapport d’activités sur les centaines de milliers d’euros leur alloués ! Dans le cadre de la loi d’intégration du 16 décembre 2008 d’autres chantiers attendent la Ministre. A commencer par le comité interministériel à l’intégration puisque sont concernés d’autres Ministères comme l’Education et le Logement pour n’en citer que deux. Les comités  interministériels sont très souvent évoqués dans des lois, leur existence des fois aléatoire et leur efficacité à la traine. Le présent comité interministériel est appelé à élaborer ensemble avec l’OLAI un Plan d’action quinquennal. Est ce que le printemps 2015 en verra l’éclosion ?
Deux autres volets de la loi attendent un souffle de la Ministre : l’organe consultatif national et le contrat d’accueil et d’intégration. Le Conseil National pour Etrangers ne concerne pas au premier chef la seule Ministre : ses membres étrangers, libérés théoriquement de la tutelle de l’OLAI et disposant d’une large majorité, semblent s’être réfugiés dans l’atonie complète. Madame la Ministre ramenez le CNE à la vie active, s’il vous plait ! Donnez –lui les moyens de vivre, peut-être en confiant à un de ses constituants de quoi pouvoir fournir un appui logistique au CNE. Pour l’instant la quarantaine d’associations qui ont élu les membres étrangers du CNE il y a 3 ans n’ont pas le moindre écho de ce qui s’y trimbale en leur nom.
Et le Contrat d’accueil et d’intégration ? De 2011 à 2013 il y a eu 2 141 personnes qui ont signé un  CAI, les 3 années en question il y a eu 61 844 newcomers au Grand - Duché ! Le CAI semble intéresser surtout les personnes de moyenne et de haute qualification, seuls 14 % des signataires avaient une formation primaire. Quant à l’attractivité : une centaine d’heures de cours de langue ne mènent pas loin. En Allemagne les Integrationskurse proposent 600 heures de cours d’allemand, pouvant être prolongées jusqu’à 900, alors que la situation linguistique chez nos voisins est beaucoup moins complexe !  Rappelons que la mise en place de ce CAI avait coûté en dépenses de préparation et de mise en route de 2009 à 2012 la bagatelle de 600 000 euros !

Société civile
Il y a lieu d’ajouter deux éléments à insérer dans le volet intégration, puisqu’ils concernent les uns et les autres évoqués en tout début de cette contribution. Le droit d’association est certes prévu dans la constitution, sa concrétisation date de … 1928 ! La forme d’association sans but lucratif fournit un cadre juridique pour permettre aux citoyens de se réunir, de faire des projets, de se projeter dans le débat public et politique. Elle est mise aussi à toutes sauces, non prévues en 1928 : Centre d’Art relevant à 100 % de l’Etat ou initiatives de réemploi employant des centaines de personnes, etc.,  etc. les responsables politiques ont fait preuve de peu d’imagination pour y remédier, abstraction faite de l’initiative – heureusement avortée-  d’un ancien Ministre de la Justice qui allait tout rendre plus compliqué encore . Le droit de s’associer a besoin d’un cadre correspondant à notre époque et de redevenir un instrument praticable de citoyenneté vécue. Dans la même perspective, il convient de mentionner le congé associatif. La vie associative repose sur une très large part sur le bénévolat. Les pouvoirs publics recourent aux  compétences associatives dans des entrevues, des groupes de travail. Comme ces travaux se font pendant les horaires de travail des fonctionnaires, les experts associatifs sont obligés de prendre des heures de congé. Leur contribution citoyenne vaut-elle moins que les contributions de sportifs ou d’agents culturels bénéficiant de congés remboursés à leurs employeurs par l’Etat ?  Année du bénévolat et année de la citoyenneté n’ont pas fait avancer ce dossier. Les économies à l’ordre du jour ne laissent pas présager de  progrès.
Par leur inaction les politiques soulignent leur mépris pour la société civile, tout en la flattant dans leurs discours de circonstances.
serge kollwelter


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