mardi 16 juin 2015

Affaires européennes= affaires intérieures!

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in: Forum 352

L' architecture institutionnelle de lUE, pas aisée à décrypter pour le citoyen-électeur, ne facilite pas le suivi des dossiers en cours.

Un des législateurs européens, élu par le corps électoral des 28 Etats membre, travaille dans une large transparence et si les élus de ce Parlement européen sont en principe facilement abordables et atteignables, il en est tout autrement du 2e législateur, à savoir les membres des différents Conseils des Ministres. Ils ont 29 adresses, dont toutes sauf deux ailleurs qu'à Bruxelles. Si dans certains domaines le Conseil est colégislateur, dans d'autres - dont la politique étrangère de lUE- il est le seul décideur. Si d'aucuns contestent la légitimité de ces Conseils, c'est faire peu de cas des liens entre un Ministre et son parlement national. Théoriquement chaque Ministre défend les intérêts de son pays et c'est de ses élus nationaux qu'il tient sa légitimité.

Nous voilà arrivés aux 28 dimensions "intérieures".

Lorsque la Commission européenne lance une initiative législative, elle la soumet aux parlements nationaux qui ont 8 semaines pour se prononcer. Dans le cas où ils estiment que d'après le principe de subsidiarité la matière en question relève exclusivement des compétences des Etats- membre ils peuvent émettre un avis motivé. Si un nombre requis de parlements nationaux partagent cet avis, la Commission européenne doit revoir sa copie, respectivement la retirer.

Le contrôle de subsidiarité confère donc aux parlements nationaux un pouvoir propre. Il leur permet, dune part, de sassurer que les compétences des échelons local, régional et national sont préservées et, dautre part, dintervenir dans le processus législatif de lUnion européenne, directement auprès des institutions européennes.

La Chambre des députés a fait valoir à deux reprises des oppositions qui ont abouti a un retrait dune initiative législative de la Commission européenne, dont en 2012 le projet concernant le détachement des travailleurs. 

Le délai de 8 semaines est très court pour permettre un examen approfondi, une prolongation serait sans doute la bienvenue.

A partir du moment où le projet de directive ou de règlement européens a surmonté le "test" de subsidiarité, il sera soumis au Conseil et au Parlement européens pour discussion et adoption.

Passons sur la suite du chemin - parfois tortueux- de l'initiative au sein du Parlement et du Conseil et entre les deux, quelque part ils seront obligés de trouver un compromis. Venons- en aux relations du membre du Conseil, donc de la ou du Ministre avec la Chambre des Députés, respectivement sa commission compétente.

De brefs échanges aves les parlementaires luxembourgeois Marc Angel, Viviane Loschetter, Franz Fayot, Simone Beissel et Claude Adam permettent de noter que la Chambre sest dotée de moyens pour suivre les travaux législatifs en cours « à Bruxelles », notamment par un fonctionnaire installé dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles.

La Commission des Affaires étrangères de la Chambre se réunit tous les lundis et y invite le cas échéant le Ministre des Affaires étrangères. Les membres luxembourgeois du Parlement européen y sont invités systématiquement avec des échos divers Il ny a donc pas de saisine automatique de la Chambre par le gouvernement, ce qui lui fournirait un appui supplémentaire et un feedback vers lopinion publique. A noter que le Ministre des Affaires étrangères répond systématiquement aux invitations de la Chambre.

La Commission juridique aurait une pratique semblable avec son Ministre, sa présidente ayant déjà été invitée à accompagner le Ministre à certaines conférences de haut niveau. Il y aurait des briefings / débriefings réguliers avec le Ministre de la Justice pour ce qui est de ses dossiers « européens ».
Dans de rares Etats membres (Pays Bas, Danemark)  le Parlement donne un mandat à son Ministre avant une réunion du Conseil. Il nen est rien au Grand - Duché. Le rapport mandataire - mandaté est - il pour autant structurel et conséquent?

Sur le blog de Jan Philippe Albrecht, membre du Parlement européen pour les Verts allemands et spécialiste de la protection des données, on a pu lire à la mi - mai ceci:

"Mitte Juni steht die Einigung unter den EU-Mitgliedsstaaten zur Datenschutzreform an, und kurz danach sollen die finalen Verhandlungen der drei EU-Institutionen Parlament, Rat und Kommission beginnen. Einen öffentlichen Vorgeschmack wird es am 28. Mai in der Bayerischen Landesvertretung in Brüssel geben: Im Rahmen der Podiumsdiskussion Europäische Datenschutzreform auf der Zielgeraden wird Jan Philipp Albrecht mit Bundesinnenminister Thomas de Maizière, der französischen Justizministerin Christiane Taubira, dem luxemburgischen Justizminister Félix Braz, der EU-Justizkommissarin  Jourová und dem CDU-Europaabgeordneten Axel Voss diskutieren."

Je me suis posé la question si tous les membres  de la Commission juridique de notre Chambre  connaissent la position du gouvernement luxembourgeois en la matière et nauraient donc appris rien de nouveau, si jamais ils avaient assisté à cette conférence- débat.

Il serait intéressant de voir de près le suivi fait par dautres commissions parlementaires, comme celle de lagriculture ou des finances.

Une autre question fait l’actualité et ce particulièrement au Luxembourg: celle du roaming en matière de téléphonie mobile. Sachant qu’il y a blocage au sein du Conseil, quelle est la position du gouvernement luxembourgeois dans ce dossier? Dans quelle mesure la Chambre est- elle  au courant ? Les électeurs savent - ils ce que leur Ministre y défend ? Le Premier Ministre assume le volet roaming en sa qualité de ministre des médias. Il en aurait été question à la commission des affaires étrangères avec Madame Viviane Reding, MPE.


Et la société civile ?

Après avoir abordé l'attitude de la Chambre des Députés en matière de suivi des politiques de lUE et les moyens qu'elle se donne, la même question vaut pour la société civile.
Chambre de Commerce et Syndicats sont bien organisés à ce sujet.
Je me suis donc adressé à dautres organisations de la société civile. Trois ont bien voulu fournir des éléments de réponse: ALOS - Ligue des Droits de lHomme, ASTI et Caritas, le Mouvement écologique n'était pas en mesure de répondre endéans la semaine, Amnesty International et le réseau luxembourgeois de ENAR n'ont pas réagi.

Partant du fait que ces organisations savent sy prendre au niveau du suivi de la législation nationale, je voulais savoir comment elles sy  prennent pour suivre le « decision making » des 70%  des travaux  découlant de la législation UE, si un réseau européen dont elles font partie le cas échéant essaie dinfluer, dinclure les constituants nationaux dans le processus.

Daucuns sont membre dun réseau européen dont le secrétariat  suit les dossier à Bruxelles, essaie de faire du lobbying, surtout auprès du Parlement européen. Faute de moyens, le même suivi ne peut se faire à Luxembourg pendant la gestion dun acte législatif européen auprès du gouvernement et de la Chambre. Tous (re-) deviennent actif au moment de la transposition. On entend des commentaires du genre : «  Nous préférons concentrer nos efforts sur des sujets relevant de la politique nationale et travailler en produisant nos propres analyses, plutôt que dagir en simples « réémetteurs » de positions élaborées par notre réseau européen. »

Relevons laction de ALOS - LDH en matière de casier judiciaire.  Elle avait rendu attentif le législateur luxembourgeois que la transposition relative à laccord cadre concernant le casier judiciaire allait créer des distorsions par rapport aux législations étrangères et aboutir à une discrimination des résidents au Grand-Duché. En 2013 la Chambre navait pas tenu compte de ces remarques. Récemment[1], le gouvernement vient de lancer une réforme de la loi en question de pour répondre au souci formulé par ALOS - LDH [2]. La vigilance au stade de la transposition simpose donc aussi!

Il y a quelques années les organisations luxembourgeoises citées ici - et dautres- avaient essayé de se concerter et dobtenir des moyens pour un suivi des législations communautaires. Linitiative na pas abouti.

Ma propre expérience des réseaux européens dONG[3] mamène à conclure que ceux- ci sont très actifs sur la scène bruxelloise, mais y agissent sans vraiment impliquer leurs constituants basés dans les Etats membres. Or ceux- ci sont indispensables pour agir sur les parlements et gouvernements nationaux. Cette absence de souci vers le national rejoint quelque part le constat fait sur les relations entre ministres du Conseil et parlements nationaux.

Il faut parier que la Chambre se mettra à mieux suivre encore (et influencer ?) ce que ses « ministres - émissaires » défendent dans les Conseils de lUE. Si la même Chambre est ouverte au niveau national à la société civile, elle devrait permettre aux big players institutionnels que sont les Chambres Professionnelles et aux « petits » du monde associatif d’être informés et impliqués dofficeet pas seulement pour les 30 % des lois relevant de ce qui reste comme souveraineté nationale. Au gouvernement de saisir les Chambres professionnelles dun avis sur un projet de directive ou de règlement plutôt que de le faire (trop tard) au moment de la transposition.

serge kollwelter
















[1] Projet de loi 6820
[2] Avis de ALOS - LDH sur le projet de loi 6418 relatif à lorganisation du casier judiciaire et aux échanges dinformations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres de lUnion européenne
[3] cf forum 249

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