mardi 8 septembre 2015

Agir, maintenant, à tous les niveaux !


Texte diffusé par Jean Lichtfous, Pablo Sanchez et Serge Kollwelter, le 7 septembre 2015

Nul besoin d’insister sur la dimension européenne et luxembourgeoise du défi que pose de nos jours la venue des réfugiés tant persécutés qu’économiques.
Nos 70.000 compatriotes quittant le Luxembourg au 19e siècle n’étaient pas persécutés, si ce n’est par la faim et l’absence de perspectives. 

Le défi est d’envergure et se pose en premier lieu à l ‘Union européenne qui se trouve dans une situation chaotique face à cette crise. Nous saluons cependant les efforts de la présidence luxembourgeoise pour une réponse immédiate par la répartition des réfugiés sur tous les Etats membres et une révision de la politique d’asile pour en arriver à une politique commune garantissant une procédure identique dans tous les Etats membres.
Commençons par nous pencher sur les causes, volet généralement traité après les urgences, c’est à dire remis aux calendes grecques.
Des causes …
Si les femmes, hommes et enfants de Syrie fuient par millions la guerre sous le regard médusé, mais muet des Nations Unies, ils doivent bien aller quelque part. Les camps de réfugiés qui en accueillent des millions en Turquie, en  Jordanie ou au Liban n’offrent que toit de tente et nourriture, pas de perspectives à l’horizon, si ce n’est continuer au péril de la vie vers l’Europe. Somalie, Erythrée et Soudan : autant d’Etats à l’abandon, autant de milliers de jeunes en route vers la Turquie, l’Egypte et la Lybie pour traverser la Méditerranée. D’autres Subsahariens ayant perdu emploi et raison d’être à cause des politiques de libre échange avec e.a. l’UE dépensent des sommes énormes recueillies par leurs familles pour traverser le désert et atteindre la Méditerranée. Les efforts de coopération au développement des pays de l’UE (sauf le Luxembourg) ont relâché, les pays à gouvernance plus ou moins dictatoriale se soucient peu de leur jeunesse, au contraire, en la voyant partir ils espèrent se débarrasser d’un potentiel de mécontents.
La conférence des 11 – 12 novembre prochains à La Valette doit réunir les gouvernements de l’UE et ceux de l’Union Africaine. Une nouvelle Alliance pour un développement réel et durable y sera-t-elle scellée ?

Des flux …
Les flux en cours, s’ils ne sont pas une nouveauté dans le cours de l’histoire, envahissent nos foyers par les images télévisées dramatiques rarement contextualisées. L’Europe vieillissante y est elle préparée ? Continent ayant besoin d’immigration, nombreux sont les Etats membres où la droite populiste voir xénophobe n’est pas nécessairement au pouvoir, mais exerce un pouvoir nocif sur les autres forces politiques et sur l’opinion publique. Cette Europe n’a ni politique d’asile, ni politique d’immigration commune.
Les flux de ces derniers mois amèneront-ils un changement de cap ? Un consortium international de journalistes (themigrantfiles.com) a estimé  les dépenses encourues depuis l'an 2 000. L'UE a dépensé 13 milliards d'euros pour des retours forcés et pour la protection des frontières dont un éventail de firmes d'armement se sont "servies". Pas un euro  compris pour le sauvetage!  Pour la même période le total de ce qu'ont pu se "servir" les passeurs s'élève à 16 milliards d'euros, selon la même source. Quel gâchis avec à la clé 30 000 morts aux frontières et en Méditerranée?
Va-t-on ouvrir enfin des voies légales d’immigration ? Qui dit voies, ne dit pas toutes portes ouvertes pour tous, mais cadre légal. Pareilles voies donneraient aussi un coup de frein aux mafias des passeurs. Gardons cependant en mémoire un instant que pour les milliers et milliers de personnes en route aujourd’hui le passeur est le seul moyen de sortir de l’impasse de guerre ou d’économie dans lequel ils se trouvent ! Agir contre les passeurs, cela sonne bien. Leur obstruer manu militari certaines voies, c’est les guider vers d’autres chemins, plus périlleux encore, plus chers ! Il ne faut pas oublier les dégâts collatéraux inévitables : comment distinguer bateaux de pêcheurs ayant sauvé des réfugiés et embarcation d’un passeur remplie de réfugiés, voilà que le navire de guerre ( !) aura coulé un bateau de pêcheurs ayant secouru  des réfugiés !

Des demandes d’asile devront pouvoir être faites auprès des ambassades dans les pays d’origine des persécutés, alors que ces ambassades trop souvent refusent même  l’accès de ces personnes à leurs bureaux.

Des urgences …
Venons- en aux urgences
De la part de l’UE il faudra développer en nombre suffisant les lieux de réception des migrants et réfugiés et en améliorer considérablement les conditions (abris, alimentation, eau, sanitaire, soins médicaux et mentaux, accès aux procédures d’asile).
Une réponse solidaire des Etats membres est indispensable face à la catastrophe humanitaire. A défaut, les valeurs de solidarité sur lesquelles est bâtie l’UE feraient naufrage aussi. Les nouveaux membres, à l’Est, devraient se souvenir qu’à leur sortie du communisme, l’UE les a tout naturellement soutenus. La solidarité n’est pas à sens unique !

Au lieu d’engorger les procédures d’asile avec des réfugiés syriens, un accueil prioritaire et facile devrait leur être accordé.  Décréter les pays du Balkan comme « pays sûrs » va peut être accélérer leur procédure d’asile, mais n’empêchera pas leurs habitants à fuir chômage, corruption et absence de perspectives. Ne faudrait-il pas mettre d’urgence en place un plan de développement économique pour ces pays tout en gardant en mémoire les discriminations des populations Rom ? Taux de chômage énorme et corruption endémique dans laquelle des organes de l’UE sont impliqués dans les Balkans ne peuvent être écartés par un effet de manche du simple fait que ces pays sont candidats pour entrer dans l’Union.

Des anti-réfugiés ont peut être envahi les medias sociaux et sont passés à l’action même violente contre les réfugiés. En même temps  la population allemande par exemple fait montre d’une large volonté d’accueil et les initiatives foisonnent outre Moselle.. et ailleurs. Cette frange de la population a entrainé les responsables politiques à augmenter leurs efforts.

Au Grand - Duché : un « Runder Tisch » !
Des efforts et initiatives émergent aussi au Grand-Duché. Il serait utile de les fédérer, de les coordonner. A ce effet ce que l’on appelle en Allemagne un „Runder Tisch“ devrait réunir tous ceux qui officiellement, professionnellement et bénévolement doivent, respectivement veulent s’impliquer. Aucun tabou ne devrait prévaloir, aucune exclusion se faire: OLAI, organisations charitables, organisations des droits de l’Homme, Syvicol et ceux qui se sont manifestés déjà; l’initiative Refugees  welcome, les sections jeunes des partis politiques, mais aussi tous les partis politiques, les syndicats et employeurs.  Il faut surmonter les rigidités administratives et encourager les initiatives citoyennes.
Il faudra rapidement trouver un terrain pour installer le village de container envisagé. De grâce pas en pleine nature, comme au Marienthal. S’il s’agit d’intégrer ces personnes, autant leur permettre le contact avec la population résidente. Pourquoi pas sur un site du Fonds de Kirchberg, point besoin à ce sujet d’incommoder une commune, le Fonds est étatique. L’espace entre l’Ecole européenne et Avallon avait  déjà abrité une série containers habitables. Un magasin de meubles vide à Béreldange, un site du Ministère de l ‘Education nationale disponible par le déménagement de l’IFEN sur Walferdange, le hall de l’ancienne Faïencerie, toujours préférable à des tentes, avec son déménagement vers Belval, l’université aura dégagé des espaces au Limpertsberg .
Un relevé des maisons communales, des presbytères vides doit être établi d’urgence, de même qu’une liste du nombre de réfugiés logés par commune, y compris les maisons mises à disposition par les communes. Revendiquer des quotas aux Etats membres n’est cohérent que si le même critère s’applique aux communes luxembourgeoises.
Activer les commissions consultatives d’intégration obligatoires dans chaque commune,  pour des mesures d’intégration locales .
L’idée avancée par le Premier Ministre de loger des réfugiés chez des particuliers devait  être rapidement rendue opérationnelle: ce qui est possible pour l’archevêque devrait l’être pour tous les (non-) croyants. Il y a des années la Croix Rouge gérait un projet d’accueil à domicile « Oppe Famill », pourquoi ne pas le réactiver ? Certes il faudrait un suivi par des professionnels, mais autant y investir plutôt que dans des firmes de gardiennage pour de grandes structures !

Et si on réduisait le temps d’attente avant l’accès au marché du travail tout en supprimant en même temps la priorité communautaire, pour les réfugiés, avec cours de langue à l’appui ?

Plein d’idées vont émerger du « Runder Tisch », les unes à réaliser par des particuliers, les autres par les responsables communaux ou gouvernementaux. Il y a urgence, oui, mais la bonne volonté de nombreux bénévoles existe. Profitons de cet essor. Structurons-le !
Le « Runden Tisch » mettra en place un site de  collecte et de partage des informations, des bonnes pratiques, des initiatives en cours.

Les réfugiés reconnus « attribués au Luxembourg par un système de quotas devront bénéficier de cours de langue et de formation intensifs pour pouvoir intégrer de plein pied société et marché du travail.

Un grand effort d’explication est essentiel : par les politiques, la presse.
Un autre effort de formation ne peut être esquivé vers les travailleurs sociaux, les Offices Sociaux, les enseignants, l’ADEM,   etc

Les réfugiés eux-mêmes seront invités à partager leur parcours, leur vécu avec la population résidente et ce dans la dignité et en route vers une vie autonome. Les 25 euros d’argent de poche mensuels ne peuvent guère y contribuer.

Et pourquoi ne pas réactiver l’accord de main d’oeuvre de 1972 avec la Yougoslavie de l’époque pour ouvrir des canaux légaux aux ressortissants des Etats successeurs que sont la Serbie, la Bosnie – Herzégovine, le Monténegro et la Macédoine. ?

Agissons, maintenant ! Ensemble, à tous les niveaux !

Kollwelter Serge, Lichtfous Jean, Sanchez Pablo

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