Texte diffusé par Jean Lichtfous, Pablo Sanchez et Serge Kollwelter, le 7 septembre 2015
Nul besoin d’insister sur la dimension européenne et
luxembourgeoise du défi que pose de nos jours la venue des réfugiés tant
persécutés qu’économiques.
Nos 70.000 compatriotes quittant le
Luxembourg au 19e siècle n’étaient pas
persécutés, si ce n’est par la faim et
l’absence de perspectives.
Le défi est d’envergure et se pose en premier lieu à
l ‘Union européenne qui se trouve dans une situation chaotique face à
cette crise. Nous saluons cependant les efforts de la présidence
luxembourgeoise pour une réponse immédiate par la répartition des réfugiés sur
tous les Etats membres et une révision de la politique d’asile pour en arriver
à une politique commune garantissant une procédure identique dans tous les
Etats membres.
Commençons par nous pencher sur les causes, volet
généralement traité après les urgences, c’est à dire remis aux calendes
grecques.
Des causes …
Si les femmes, hommes et enfants de Syrie fuient par
millions la guerre sous le regard médusé, mais
muet des Nations Unies, ils doivent bien aller
quelque part. Les camps de réfugiés qui en accueillent des millions en Turquie,
en Jordanie ou au Liban n’offrent
que toit de tente et nourriture, pas de perspectives à l’horizon, si ce n’est
continuer au péril de la vie vers l’Europe. Somalie, Erythrée et Soudan : autant d’Etats à l’abandon, autant de milliers de jeunes
en route vers la Turquie, l’Egypte et la Lybie pour traverser la Méditerranée.
D’autres Subsahariens ayant perdu emploi et raison d’être à cause des
politiques de libre échange avec e.a. l’UE dépensent des sommes énormes
recueillies par leurs familles pour traverser le désert et atteindre la
Méditerranée. Les efforts de coopération au développement des pays de l’UE
(sauf le Luxembourg) ont relâché, les pays à gouvernance plus ou moins
dictatoriale se soucient peu de leur jeunesse, au contraire, en la voyant partir ils espèrent se débarrasser d’un
potentiel de mécontents.
La conférence des 11 – 12 novembre prochains à La Valette
doit réunir les gouvernements de l’UE et ceux de l’Union Africaine. Une
nouvelle Alliance pour un développement réel et durable y sera-t-elle
scellée ?
Des flux …
Les flux en cours, s’ils ne sont pas une nouveauté dans le
cours de l’histoire, envahissent nos foyers par les images télévisées
dramatiques rarement contextualisées. L’Europe vieillissante y est elle
préparée ? Continent ayant besoin d’immigration, nombreux sont les Etats
membres où la droite populiste voir xénophobe n’est pas nécessairement au
pouvoir, mais exerce un pouvoir nocif sur les autres forces politiques et sur
l’opinion publique. Cette Europe n’a ni politique d’asile, ni politique d’immigration commune.
Les flux de ces
derniers mois amèneront-ils un changement de cap ?
Un consortium international de journalistes (themigrantfiles.com) a
estimé les dépenses encourues depuis l'an 2 000. L'UE a dépensé 13
milliards d'euros pour des retours forcés et pour la protection des frontières
dont un éventail de firmes d'armement se sont "servies". Pas un
euro compris pour le sauvetage! Pour la même période le total de ce
qu'ont pu se "servir" les passeurs s'élève à 16 milliards d'euros,
selon la même source. Quel gâchis avec à la clé 30 000 morts aux frontières et
en Méditerranée?
Va-t-on ouvrir enfin des voies légales d’immigration ? Qui dit voies, ne dit pas toutes portes ouvertes pour
tous, mais cadre légal. Pareilles voies donneraient aussi un coup de frein aux
mafias des passeurs. Gardons cependant en mémoire un instant que pour les
milliers et milliers de personnes en route aujourd’hui le passeur est le seul
moyen de sortir de l’impasse de guerre ou d’économie dans lequel ils se
trouvent ! Agir contre les passeurs, cela sonne bien. Leur obstruer manu
militari certaines voies, c’est les guider vers d’autres chemins, plus
périlleux encore, plus chers ! Il ne faut pas oublier les dégâts
collatéraux inévitables : comment distinguer bateaux de pêcheurs ayant
sauvé des réfugiés et embarcation d’un passeur remplie de réfugiés, voilà que
le navire de guerre ( !) aura coulé un bateau de pêcheurs ayant
secouru des réfugiés !
Des demandes d’asile devront pouvoir être faites auprès
des ambassades dans les pays d’origine des persécutés, alors que ces ambassades
trop souvent refusent même l’accès
de ces personnes à leurs bureaux.
Des urgences …
Venons- en aux urgences
De la part de l’UE il faudra développer en nombre
suffisant les lieux de réception des migrants et réfugiés et en améliorer
considérablement les conditions (abris, alimentation, eau, sanitaire, soins
médicaux et mentaux, accès aux procédures d’asile).
Une réponse solidaire des Etats membres est indispensable
face à la catastrophe humanitaire. A défaut, les valeurs de solidarité sur
lesquelles est bâtie l’UE feraient naufrage aussi. Les nouveaux membres, à
l’Est, devraient se souvenir qu’à leur sortie du communisme, l’UE les a tout
naturellement soutenus. La solidarité n’est pas à sens unique !
Au lieu d’engorger les procédures d’asile avec des
réfugiés syriens, un accueil prioritaire et facile devrait leur être
accordé. Décréter les pays du
Balkan comme « pays sûrs » va peut être accélérer leur procédure
d’asile, mais n’empêchera pas leurs
habitants à fuir chômage, corruption et absence de perspectives. Ne faudrait-il
pas mettre d’urgence en place un plan de développement économique pour ces pays
tout en gardant en mémoire les discriminations des populations Rom ? Taux
de chômage énorme et corruption endémique dans laquelle des organes de l’UE
sont impliqués dans les Balkans ne peuvent être écartés par un effet de manche
du simple fait que ces pays sont candidats pour entrer dans l’Union.
Des anti-réfugiés ont peut être envahi les medias sociaux
et sont passés à l’action même violente contre les réfugiés. En même temps la population allemande par exemple
fait montre d’une large volonté d’accueil et les initiatives foisonnent outre
Moselle.. et ailleurs. Cette frange de la population a entrainé les
responsables politiques à augmenter leurs efforts.
Au Grand - Duché :
un « Runder Tisch » !
Des efforts et initiatives émergent aussi au Grand-Duché.
Il serait utile de les fédérer, de les coordonner. A ce effet ce que l’on
appelle en Allemagne un „Runder Tisch“ devrait réunir tous ceux qui
officiellement, professionnellement et bénévolement doivent, respectivement
veulent s’impliquer. Aucun tabou ne devrait prévaloir, aucune exclusion se
faire: OLAI, organisations charitables, organisations des droits de l’Homme,
Syvicol et ceux qui se sont manifestés déjà; l’initiative Refugees welcome, les sections jeunes des partis
politiques, mais aussi tous les partis politiques, les syndicats et
employeurs. Il faut surmonter les
rigidités administratives et encourager les initiatives citoyennes.
Il faudra rapidement trouver un terrain pour installer le
village de container envisagé. De grâce pas en pleine nature, comme au
Marienthal. S’il s’agit d’intégrer ces personnes, autant leur permettre le
contact avec la population résidente. Pourquoi pas sur un site du Fonds de
Kirchberg, point besoin à ce sujet d’incommoder une commune, le Fonds est
étatique. L’espace entre l’Ecole européenne et Avallon avait déjà abrité une série containers
habitables. Un magasin de meubles vide à Béreldange, un site du Ministère de
l ‘Education nationale disponible par le déménagement de l’IFEN sur
Walferdange, le hall de l’ancienne Faïencerie, toujours préférable à des
tentes, avec son déménagement vers Belval, l’université aura dégagé des espaces
au Limpertsberg .
Un relevé des maisons communales, des presbytères vides
doit être établi d’urgence, de même qu’une liste du nombre de réfugiés logés
par commune, y compris les maisons mises à disposition par les communes.
Revendiquer des quotas aux Etats membres n’est cohérent que si le même critère
s’applique aux communes luxembourgeoises.
Activer les commissions consultatives d’intégration
obligatoires dans chaque commune,
pour des mesures d’intégration locales .
L’idée avancée par le Premier Ministre de loger des
réfugiés chez des particuliers devait
être rapidement rendue opérationnelle: ce qui est possible pour
l’archevêque devrait l’être pour tous les (non-) croyants. Il y a des années la
Croix Rouge gérait un projet d’accueil à domicile « Oppe Famill »,
pourquoi ne pas le réactiver ? Certes il faudrait un suivi par des
professionnels, mais autant y investir plutôt que dans des firmes de
gardiennage pour de grandes structures !
Et si on réduisait le temps d’attente avant l’accès au
marché du travail tout en supprimant en même temps la priorité communautaire,
pour les réfugiés, avec cours de langue à l’appui ?
Plein d’idées vont émerger du « Runder Tisch »,
les unes à réaliser par des particuliers, les autres par les responsables
communaux ou gouvernementaux. Il y a urgence, oui, mais la bonne volonté de
nombreux bénévoles existe. Profitons de cet essor. Structurons-le !
Le « Runden Tisch » mettra en place un site
de collecte et de partage des
informations, des bonnes pratiques, des initiatives en cours.
Les réfugiés reconnus « attribués au Luxembourg par
un système de quotas devront bénéficier de cours de langue et de formation
intensifs pour pouvoir intégrer de plein pied société et marché du travail.
Un grand effort d’explication est essentiel : par les
politiques, la presse.
Un autre effort de formation ne peut être esquivé vers les
travailleurs sociaux, les Offices Sociaux, les enseignants, l’ADEM, etc
Les réfugiés eux-mêmes seront invités à partager leur
parcours, leur vécu avec la population résidente et ce dans la dignité et en
route vers une vie autonome. Les 25 euros d’argent de poche mensuels ne peuvent
guère y contribuer.
Et pourquoi ne pas réactiver l’accord de main d’oeuvre de
1972 avec la Yougoslavie de l’époque pour ouvrir des canaux légaux aux
ressortissants des Etats successeurs que sont la Serbie, la Bosnie –
Herzégovine, le Monténegro et la Macédoine. ?
Agissons, maintenant ! Ensemble, à tous les
niveaux !
Kollwelter Serge, Lichtfous Jean, Sanchez Pablo
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