Bonjour - Moien au risque de vous ennuyer avec mes remarques et autres contributions sur ceci et sur cela, allons-y, plongeons dans cette réalité grand ducale ( i.e. Grand-Duché de Luxembourg), partageons et discutons- en ! Serge
mercredi 27 décembre 2017
L’Europe: terre de refuge des Africains ?
L’Europe: terre de refuge des Africains ?
in: Brennpunkt 299 , septembre 2017
Au départ de la Grèce, la route des Balkans était la principale voie d’entrée des migrants « syriens, irakiens et afghans » vers l’Europe en 2015/ 2016. L’accord UE - Turquie a contribué à fermer cette route et à endiguer les départs du Moyen Orient vers l’Union européenne.
Le passage de la Libye vers l’Italie aura connu une « vague » africaine en 2017 avec plus de 100 000 passages « réussis » sans oublier les milliers de naufragés. En fait cette traversée de la Méditerranée centrale ne date pas de 2017, mais est (heureusement) omniprésente dans les medias!
Dans la présente contribution, nous allons nous concentrer sur quelques aspects de la « dimension africaine » de ces migrations récentes. Si les images des embarcations de fortune (sur-)chargées d’Africains pénètrent dans nos salons par le biais de la télé, force est de constater que les migrations intra-africaines sont nettement plus élevées que celles allant d’Afrique vers l’Europe, mais moins médiatisées. Le 14 juin 2017 le président ivoirien Alassane Ouattara l’a fait remarquer aux parlementaires européens à Strasbourg. Son pays accueille de 5,5 millions d’immigrés issus de la région et devenus acteurs économiques de la Côte d’Ivoire qui a une population totale de 25 millions. Ecoutons Ouattara: « Les transferts de cette diaspora africaine vers leur pays d'origine représentent chaque année près de 1% du PIB de la Côte d'Ivoire ».
La Côte d’Ivoire est un des 4 pôles africains d’attraction vers lequel convergent des migrants des pays voisins, les autres étant le Nigeria, le Sénégal et l’Afrique du Sud.
Comme le montre le schéma, les migrants subsahariens se tournent peu vers l’Europe. Ainsi 70 % des émigrés ouest-africains restent en Afrique. 61 % d’entre eux privilégient les pays de la sous-région alors que 15 % seulement se dirigent vers l’Europe et 6 % vers l’Amérique du Nord.
Le même constat vaut pour une « catégorie particulière » de migrants : les réfugiés. Une fois encore ce sont les Etats voisins qui accueillent pour l’essentiel ces exilés.
Ceci dit, de nombreux autres Africains cherchent à joindre l’Europe. Cette immigration africaine est mixte, composée de réfugiés éligibles au droit d’asile (Erythréens, Soudanais, Ethiopiens), mais aussi de migrants économiques, notamment originaires de l’Afrique de l’Ouest.
Réfugiés environnementaux
Selon l’Internal Displacement Monitoring Center (IDMC), entre 2008 et 2014, une moyenne annuelle d’environ 25 millions de personnes sont déplacées chaque année pour cause de catastrophes naturelles, dont plus de 80 % le sont en raison d’événements hydro-climatiques (tempêtes, inondations, érosion des côtes, etc.). « La part attribuable au changement climatique dans ces migrations ne peut à l’heure actuelle pas être évaluée », rappelle toutefois François Gemenne, chercheur (Sciences Po) en sciences politiques et spécialiste des migrations.
Dans les années à venir, le changement climatique conduira à une dégradation des terres et à une raréfaction des ressources en eau. Les terres agricoles disponibles pourraient diminuer fortement d’ici à 2050, quand l’écart entre les besoins en eau et les ressources disponibles pourrait atteindre 40 % dans les deux prochaines décennies. « Quand il ne reste plus rien, les personnes désespérées cherchent une autre voie, observe Monique Barbut. La migration est la plus évidente. » Et de souligner : « D’ici à 2020, 60 millions de personnes pourraient migrer des parties dégradées de l’Afrique sub-saharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe. »
Démographie
Selon Nathalie Bougnoux et Rohen d’Aiglepierre de l’Agence française de développement (AFD) le différentiel de croissance démographique entre les régions du globe représente un défi structurel majeur. La population d’Afrique subsaharienne est aujourd’hui celle qui augmente le plus rapidement au monde et la région représentera un tiers des jeunes de 15 à 24 ans d’ici 2050.
A l’opposé, les pays de l’OCDE ont une population qui diminue et vieillit. Il y a donc, d’une part, un besoin croissant de main-d’œuvre dans les économies développées et, d’autre part, un sous-emploi croissant des jeunes qui est déjà une problématique prioritaire pour l’Afrique subsaharienne.
Ces évolutions risquent donc de changer la nature du débat dans une Europe secouée par des mouvements populistes, où le droit d’asile reste ancré comme droit fondamental, tandis que l’immigration économique est beaucoup plus contestée. Plus ce flux augmentera, plus certains Etats européens renâcleront à reconnaître l’éligibilité des ressortissants de certains pays à l’asile. L’accord entre l’UE et l’Afghanistan tendant à déclarer ce pays comme sûr en est une illustration: le gouvernement afghan doit accueillir ses citoyens déboutés du droit d’asile et ce contre monnaie sonnante, entendez des milliards d’euros de la part de l’UE !
Dès lors serait-ce malgré tout possible ou utile de mettre en place des corridors sécurisés pour les réfugiés et des programmes de migration, bref des voies légales?
Une voie légale … étroite
Prenons l’exemple du Cap Vert, un des principaux partenaires de la Coopération au Développement du Grand Duché et depuis longtemps « fournisseur de main d’oeuvre » et ce sans accord en la matière entre ces 2 Etats. Un premier pas vient d’être franchi (enfin!) puisque la Chambre des Députés a approuvé le 27 juin 2017« l’Accord entre l’État du Grand-Duché de Luxembourg et la République du Cabo Verde relatif à la gestion concertée du flux migratoire et au développement solidaire ».
Cet accord facilite e.a. l’octroi de visas de court séjour et la réadmission des personnes en séjour irrégulier.
La Fédération des Associations Capverdiennes du Luxembourg et l’Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés saluent cet accord tout en soulignant ses limites: d’un côté des visas à entrée multiple pour les seules personnes « hautement qualifiées » et des échanges de jeunes, de l’autre rien pour les travailleurs non - qualifiés.
Ces émigrés africains qui aident l’Afrique
Les transferts d’économies (remittances) des émigrés africains vers leur pays d’origine ont connu une progression de 3,4 pour cent en 2015 pour atteindre 31,2 milliards d’euros, selon un rapport de la Banque mondiale. Les envois vers l’Afrique ont progressé en 2015, alors que ces envois ont diminué au niveau mondial. Cependant, les transferts des migrants africains ne représentent que six pour cent du montant global des transferts mondiaux des migrants, dont le volume global est évalué à 581,6 milliards de dollars. Selon la Banque Mondiale, cette faible proportion des transferts d’argent de migrants africains s’expliquerait par le coût élevé des opérations, qui représente encore en moyenne 9,5 pour cent des montants transférés, même si celui-ci à diminué par rapport à 2014 (11,4 pour cent).
Rappelons que les chefs d’Etat de l’Union Africaine et de l’Union européenne réunis en sommet le 12 novembre 2015 à La Valetta avaient retenu dans leur programme d’action: « 1.2. (….) D’ici à 2030, faire baisser au-dessous de 3 % les coûts de transaction des envois de fonds effectués par les migrants et éliminer les couloirs de transfert de fonds dont les coûts sont supérieurs à 5 %. Et recenser les couloirs de transfert de fonds pour lesquels les partenaires s'engagent à réduire de manière significative les coûts d'ici à 2020, de l'Europe vers l'Afrique et en Afrique, conformément à la législation nationale en vigueur. »
Rien n’a bougé encore!
Trust fund et G20
Suite à La Valetta l’UE un Fonds de près de 2 Milliards d’euros a été annoncé pour l’Afrique .
Le Luxembourg participe aux efforts financiers de ce Trust Fund.
Le G20 de Hambourg s’est, pour la première fois, engagé à soutenir l’économie africaine, dans le but de réduire l’immigration, sans se montrer pleinement à la hauteur des promesses d’Angela Merkel, ni des attentes des ONG.
« Nous sommes prêts à aider les pays africains intéressés » et « encourageons le secteur privé à saisir les opportunités économiques africaines en soutenant une croissance durable et la création d’emplois », écrivent les principaux pays développés dans leur déclaration finale.
L’objectif est de « lutter contre la pauvreté et les inégalités en tant que causes essentielles des migrations », soulignent-ils, faisant de cette entrée de l’Afrique à l’agenda du G20 une initiative clairement destinée à endiguer l’arrivée en Europe d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant la misère.
Conclusion : ni exode, ni invasion
Nous avons vu qu’il n’y a pas plus « d’exode » en Afrique que « d’invasion africaine » en Europe. Le poids de ces deux idées reçues dans les discours publics est à l’origine d’un décalage entre l’ampleur des dispositifs politiques mis en place pour contrôler les flux et la réalité mesurée d’un phénomène finalement marginal.
Nous avons noté que les efforts « supplémentaires » fournis par l’UE ne servent pas en premier lieu à agir sur les causes de migrations, mais à endiguer les départs vers l’Europe.
Terminons avec Ouattara devant le Parlement européen: « les conflits et la criminalité organisée n'expliquent pas à eux seuls les mouvements migratoires constatés au cours de ces dernières années vers l'Europe ». A ces facteurs, « il faut ajouter la pauvreté, le chômage et le déficit de démocratie dans de nombreux pays » a -t-il déclaré en prenant l'exemple du nouveau partenariat entre l'Afrique et le G20 qui a été initié par l'Allemagne et qui aurait pour objectif de faciliter des investissements massifs en Afrique en vue de créer des emplois, notamment pour les jeunes. « Ceci contribuera à la réduction des flux migratoires illégaux vers l'Europe » a estimé Ouattara dont le pays est justement l'un des trois premiers bénéficiaires du programme.
Une promesse de plus ?
serge kollwelter
Sources :
Le Monde 11.09.2015; 15.02.2016; 17.01.2017; 10.07.2017
Dina Ionesco, Daria Mokhnacheva, François Gemenne, Atlas des migrations environnementales, Sciences Po Paris, 2016
Making Finance Work for Africa 18.04.2016
Benjamin Schraven und Steffen Bauer für Brot für die Welt 12.08.2016
IDMC Internal Displacement Monitoring Center: Grid 2017
La Tribune Afrique 15.6.2017
FACVL et ASTI, Communiqué du 30.06.2017
Jeune Afrique 9.07.2017
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