mardi 12 décembre 2017

Mettons- nous à la recherche de la politique d'intégration!

Des ambitions modestes de la coalition

Serge Kollwelter, militant de l’intégration
 
A dix mois de la fin de la législature il y a lieu de revenir sur quelques volets  de la politique d’intégration du gouvernement restés  en friche, d’autant plus qu’au-delà du (maigre) programme gouvernemental il a des obligations légales. 
Si le programme gouvernemental est censé fixer un cap en matière d’intégration, les ambitions de la coalition actuelle étaient bien modestes.
Trois objectifs s’y trouvent à la page 130:
1) le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour renforcer la politique d’intégration des étrangers notamment sur base des actions et recommandations tirées du rapport quinquennal 2009-2013. 2) Un bilan du fonctionnement et des besoins de l’OLAI (Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration) sera réalisé. 3) Conscient de l’importance de la langue luxembourgeoise comme instrument d’intégration et de cohésion sociale, le gouvernement renforcera les possibilités d’apprendre la langue luxembourgeoise. Dans ce contexte, les dispositions concernant le congé linguistique seront évaluées.
Sur ces trois volets, seul le deuxième s’est concrétisé avec une réorganisation de l’OLAI.
Une fois écrit, un programme peut évoluer, des évènements imprévus peuvent le bousculer. C’était le cas avec l’arrivée significative de demandeurs d’asile en 2015/2016.
Des efforts d’accueil substantiels
Des efforts d’accueil substantiels ont été réalisés par le gouvernement, le volet intégration souffrant cependant d’un certain désintérêt, sinon d’une négligence certaine.
A l’occasion de l’arrivée des réfugiés de nombreuses initiatives citoyennes ont surgi au sein de la population et furent soutenues par l’Oeuvre Grande-Duchesse Charlotte, prenant le relais ou se substituant à l’Etat.
Ces projets n’ont pas tous pour vocation de répondre aux questions structurelles de l’intégration de 20.000 nouveaux arrivants annuels, y compris leur „acceptation“ par la population résidente. Malheureusement le gouvernement n’envisage guère de prendre en compte ces initiatives, les considérant de nature privée comme le précise la réponse à la question parlementaire 3314. Ce bouillonnement d’initiatives mériterait une évaluation par le gouvernement et la continuation des projets ayant fait leur preuve par les pouvoirs publics.
A côté du ministère de la Famille d’autres ministères sont concernés par l’intégration, citons seulement l’Education, la Justice ou le Travail. Une nouvelle loi de naturalisation est entrée en vigueur le 1 er avril 2017 réduisant pour l’essentiel la durée de résidence requise de sept à cinq ans. En 2016 il y eut un nombre impressionnant de 7.140 naturalisations, dont 3.825 de non-résidents faisant valoir un ancêtre luxembourgeois avant l’année 1900.
Les recommandations du plan quinquennal d’intégration, arrivé à échéance en 2013 devaient déboucher sur un nouveau plan, ce qui ne correspond pas à un souhait, mais à une obligation légale (article 6 de la loi d’intégration du 16 décembre 2008). Pareil plan devrait, toujours selon la loi, être rédigé par un comité interministériel. Le site internet de l’OLAI cite douze ministères censés faire partie de ce comité interministériel. Jusque janvier de cette année, ce comité ne s’était jamais encore réuni. Citons l’exemple d’un autre comité interministériel, bien réel et vivant celui-là, celui de la Coopération. Non seulement ses comptes-rendus sont publics, mais encore la société civile en est partie prenante. La volonté d’une véritable implication de la société civile dans la démarche d’intégration est des plus limitées comme l’„avoue“ la réponse à la question parlementaire 3401.
Un nouveau plan est attendu depuis 2014. Il pourrait utilement amender certains instruments existants.
Revigorer les instruments existants
Une relance et l’augmentation de l’attractivité du Contrat d’accueil et d’intégration est souhaitable, sachant que pour 22.888 nouvelles arrivées au pays l’année passée 1.247 CAI ont été conclus.
Une réforme de la législation sur les Commissions consultatives communales pour l’intégration (CCI) s’impose. Le règlement grand-ducal du 15 novembre 2011 établit un cadre en fixant un nombre minimal de réunions par an, en demandant un bilan annuel de la CCI, en imposant des avis à demander par le conseil communal à sa commission.
Alors qu’elles sont obligatoires, 14 communes n’avaient pas de CCI!
Pour ce qui est des rapports annuels à fournir à l’OLAI, seuls dix sont parvenus à l’OLAI pour les six années passées. Normalement il aurait dû y en avoir 576 venant des CCI existantes! Extrait de la réponse (résignée) de la ministre de l’Intégration à la question parlementaire 2805: „Si certaines CCCI envoient systématiquement une copie du procès-verbal de leurs réunions au ministère de la Famille et de l’Intégration et à l’OLAI, d’autres ne le font que sporadiquement ou pas du tout. Il n’est dès lors pas possible de dire combien de communes satisfont à l’obligation des quatre réunions annuelles (..).“
Aucune volonté pour y remédier! Le formalisme n’est pas tout, mais il fournit quand même des indications.
Pour avoir fait partie de la CCI de la capitale, je m’y attarderai un peu.
Tageblatt 11 décembre 2017 
 

Contrairement au dispositif légal, la CCI n’a pas été saisie du moindre avis en six ans.  Lorsque sur sa propre initiative elle a envisagé une campagne d’inscription sur les listes électorales, elle fut assistée du service de communication de la ville.
Pour ainsi dire aucune des propositions de celui-ci ne fut mis en pratique par le collège échevinal, comme on peut le vérifier par les rapports publiés sur le site internet de la ville.
En vue de l’établissement d’un plan communal d’intégration, la Commission avait demandé en février 2014 des chiffres sur les maisons et les presbytères vides appartenant à la commune, le nombre d’employés communaux non-luxembourgeois, l’attribution des maisons louées par la ville selon la nationalité des locataires: pas de réponses encore à la fin du mandat de la CCI. A saluer la suite donnée à une suggestion d’un site internet renseignant sur tous les cours de langue donnés sur le territoire de la ville. L’organisation d’activités culturelles, comme des concerts est à saluer.
Est-ce bien le rôle d’une structure consultative et ce dans une ville regorgeant d’activités culturelles de tous genres? Les streetworkers, le travail social communautaire, les Plans de réussite scolaire des 19 écoles de la capitale ou la Quartiersstuff du Fonds de Kirchberg: autant de structures et de démarches ayant fait leurs preuves, mais trop peu mises à contribution pour le Plan communal d’intégration de la capitale.
D’ailleurs la mouture finale de ce plan de 64 pages été transmise à trois commissions consultatives cinq jours avant une réunion conjointe le 28 juin pour le discuter. L’adoption par le conseil communal avait lieu le surlendemain.
Une approche volontariste pour la participation électorale par une réduction de la durée de séjour comme souhaitée par une résolution quasi unanime de la Chambre des députés du 27 janvier 2011(!) se fait attendre.
Sans doute la désillusion du référendum de 2015 a-t-elle refroidi les ardeurs démocratiques. N’empêche que le fossé continue à se creuser entre le pays réel et le pays légal et la légitimité des élus continue à s’affaiblir. Dans les pays sans vote obligatoire un premier défi consiste à amener les électeurs aux urnes, les scores de participation étant souvent à la baisse. Au Luxembourg le taux d’inscription des étrangers sur les listes électorales n’équivaut-elle pas à un score de participation? En prenant en compte pareil paramètre, le Luxembourg figurerait en queue de peloton! Le taux d’inscription correspond quelque peu à un baromètre d’adhésion, d’intégration. Dans les semaines à venir toutes les communes sont obligées à mettre en place une nouvelle CCI. Les candidats étrangers des élections d’octobre ont fait état de leur intérêt pour le bien commun, autant bâtir une CCI avec eux. La suggestion se heurtera dans la capitale au veto du principal parti politique qui de cette façon n’y aurait pas de représentant.
En attendant une refonte du règlement grand-ducal, les nouvelles commissions devraient gagner en poids et visibilité par la saisie d’avis du pouvoir communal, cet avis figurant dans le dossier des conseillers communaux au moment du débat et du vote en plénière. C’est d’ailleurs ce que prévoit le règlement d’ordre intérieur du conseil communal de la capitale pour toutes les commissions consultatives, sauf la CCI!
Une revalorisation du CNE
Après un mandat en demi-teintes marqué par une cascade de démissions, 22 membres ont été élus par une cinquantaine d’associations le 8 juillet 2017 au Conseil national pour étrangers, l’organe consultatif national. Le mépris dont bénéficie cet organe consultatif est illustré par le fait que près de cinq mois plus tard, la composition n’est toujours pas complète: on attend les membres d’office devant être nommés par le gouvernement.
Pendant des décennies cet organe, souffrant d’une légitimité limitée, n’a jamais été pris au sérieux par les gouvernements successifs. Rarissimes ont été les avis demandés au CNE.
La refonte du congé linguistique est explicitement évoquée dans le programme gouvernemental.
Après une inaction de quatre ans, le projet de loi pour la promotion de la langue luxembourgeoise en tiendra-t-il compte? Rappelons qu’en Allemagne le nombre d’heures d’allemand (la seule langue officielle en RFA) est de 600 heures, pouvant être augmenté jusqu’à 900. Ceci vaut aussi pour les demandeurs de protection internationale. Pour une véritable appropriation d’UNE langue il faut se donner les moyens. Le symbolisme ne suffit pas.
Le projet d’un Parcours d’intégration accompagné (PIA) actuellement en préparation devra être ambitieux en matière de cours de langue et de connaissance de la société. Un accès rapide au marché du travail, tel que préconisé par l’OCDE en juillet dernier devrait en être un axe central d’un PIA coulé dans une loi. Les propositions de la société civile – tenue à l’écart des préparatifs – tracent un cadre ambitieux à la hauteur de l’enjeu et dépassant la seule question des dpi.
Il faut relever du côté des bonnes pratiques, les Assises nationales de l’intégration locale tenues à Mersch le 11 février 2017 et leur suivi. Ces lieux d’échange de bonnes pratiques entre responsables communaux et associatifs sont essentiels. Une impulsion de la part du gouvernement tarde à éclore, mais apparemment on s’est attelé côté ministère à préparer un nouveau plan quinquennal … pour le gouvernement suivant sans doute.
Un autre aspect positif réside dans les Plans communaux d’intégration établis par-ci, par-là et encouragés par le Syvicol. Ici encore on s’attend à ce que le savoir-faire de l’OLAI se manifeste pour amener des échanges entre les communes qui lancent pareils PCI.
A partir du moment où le gouvernement retrouvera le cadre légal et fera respecter aux communes leurs obligations, on sera en droit d’attendre une politique volontariste en matière de trois vecteurs essentiels de l’intégration: le logement, la participation et l’implication de la société civile.
 

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