Des ambitions modestes de la coalition
Serge Kollwelter, militant de l’intégration
A dix mois de la fin de la législature il y a lieu
de revenir sur quelques volets de la politique d’intégration du
gouvernement restés en friche, d’autant plus qu’au-delà du (maigre)
programme gouvernemental il a des obligations légales.
Si le programme gouvernemental est censé fixer un cap
en matière d’intégration, les ambitions de la coalition actuelle
étaient bien modestes.
Trois objectifs s’y trouvent à la page 130:
1)
le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour renforcer la
politique d’intégration des étrangers notamment sur base des actions et
recommandations tirées du rapport quinquennal 2009-2013. 2) Un bilan du fonctionnement et des besoins de l’OLAI (Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration) sera réalisé. 3)
Conscient de l’importance de la langue luxembourgeoise comme instrument
d’intégration et de cohésion sociale, le gouvernement renforcera les
possibilités d’apprendre la langue luxembourgeoise. Dans ce contexte,
les dispositions concernant le congé linguistique seront évaluées.
Sur ces trois volets, seul le deuxième s’est concrétisé avec une réorganisation de l’OLAI.
Une
fois écrit, un programme peut évoluer, des évènements imprévus peuvent
le bousculer. C’était le cas avec l’arrivée significative de demandeurs
d’asile en 2015/2016.
Des efforts d’accueil substantiels
Des
efforts d’accueil substantiels ont été réalisés par le gouvernement, le
volet intégration souffrant cependant d’un certain désintérêt, sinon
d’une négligence certaine.
A l’occasion de
l’arrivée des réfugiés de nombreuses initiatives citoyennes ont surgi au
sein de la population et furent soutenues par l’Oeuvre Grande-Duchesse
Charlotte, prenant le relais ou se substituant à l’Etat.
Ces
projets n’ont pas tous pour vocation de répondre aux questions
structurelles de l’intégration de 20.000 nouveaux arrivants annuels, y
compris leur „acceptation“ par la population résidente. Malheureusement
le gouvernement n’envisage guère de prendre en compte ces initiatives,
les considérant de nature privée comme le précise la réponse à la
question parlementaire 3314. Ce bouillonnement d’initiatives mériterait
une évaluation par le gouvernement et la continuation des projets ayant
fait leur preuve par les pouvoirs publics.
A
côté du ministère de la Famille d’autres ministères sont concernés par
l’intégration, citons seulement l’Education, la Justice ou le Travail.
Une nouvelle loi de naturalisation est entrée en vigueur le 1 er
avril 2017 réduisant pour l’essentiel la durée de résidence requise de
sept à cinq ans. En 2016 il y eut un nombre impressionnant de 7.140
naturalisations, dont 3.825 de non-résidents faisant valoir un ancêtre
luxembourgeois avant l’année 1900.
Les
recommandations du plan quinquennal d’intégration, arrivé à échéance en
2013 devaient déboucher sur un nouveau plan, ce qui ne correspond pas à
un souhait, mais à une obligation légale (article 6 de la loi
d’intégration du 16 décembre 2008). Pareil plan devrait, toujours selon
la loi, être rédigé par un comité interministériel. Le site internet de
l’OLAI cite douze ministères censés faire partie de ce comité
interministériel. Jusque janvier de cette année, ce comité ne s’était
jamais encore réuni. Citons l’exemple d’un autre comité
interministériel, bien réel et vivant celui-là, celui de la Coopération.
Non seulement ses comptes-rendus sont publics, mais encore la société
civile en est partie prenante. La volonté d’une véritable implication de
la société civile dans la démarche d’intégration est des plus limitées
comme l’„avoue“ la réponse à la question parlementaire 3401.
Un nouveau plan est attendu depuis 2014. Il pourrait utilement amender certains instruments existants.
Revigorer les instruments existants
Une
relance et l’augmentation de l’attractivité du Contrat d’accueil et
d’intégration est souhaitable, sachant que pour 22.888 nouvelles
arrivées au pays l’année passée 1.247 CAI ont été conclus.
Une
réforme de la législation sur les Commissions consultatives communales
pour l’intégration (CCI) s’impose. Le règlement grand-ducal du 15
novembre 2011 établit un cadre en fixant un nombre minimal de réunions
par an, en demandant un bilan annuel de la CCI, en imposant des avis à
demander par le conseil communal à sa commission.
Alors qu’elles sont obligatoires, 14 communes n’avaient pas de CCI!
Pour
ce qui est des rapports annuels à fournir à l’OLAI, seuls dix sont
parvenus à l’OLAI pour les six années passées. Normalement il aurait dû y
en avoir 576 venant des CCI existantes! Extrait de la réponse
(résignée) de la ministre de l’Intégration à la question parlementaire
2805: „Si certaines CCCI envoient systématiquement une copie du
procès-verbal de leurs réunions au ministère de la Famille et de
l’Intégration et à l’OLAI, d’autres ne le font que sporadiquement ou pas
du tout. Il n’est dès lors pas possible de dire combien de communes
satisfont à l’obligation des quatre réunions annuelles (..).“
Aucune volonté pour y remédier! Le formalisme n’est pas tout, mais il fournit quand même des indications.
Pour avoir fait partie de la CCI de la capitale, je m’y attarderai un peu.
Tageblatt 11 décembre 2017
Contrairement au dispositif légal, la CCI n’a pas
été saisie du moindre avis en six ans. Lorsque sur sa propre
initiative elle a envisagé une campagne d’inscription sur les listes
électorales, elle fut assistée du service de communication de la ville.
Pour ainsi dire aucune des propositions de celui-ci
ne fut mis en pratique par le collège échevinal, comme on peut le
vérifier par les rapports publiés sur le site internet de la ville.
En
vue de l’établissement d’un plan communal d’intégration, la Commission
avait demandé en février 2014 des chiffres sur les maisons et les
presbytères vides appartenant à la commune, le nombre d’employés
communaux non-luxembourgeois, l’attribution des maisons louées par la
ville selon la nationalité des locataires: pas de réponses encore à la
fin du mandat de la CCI. A saluer la suite donnée à une suggestion d’un
site internet renseignant sur tous les cours de langue donnés sur le
territoire de la ville. L’organisation d’activités culturelles, comme
des concerts est à saluer.
Est-ce bien le rôle
d’une structure consultative et ce dans une ville regorgeant
d’activités culturelles de tous genres? Les streetworkers, le travail
social communautaire, les Plans de réussite scolaire des 19 écoles de la
capitale ou la Quartiersstuff du Fonds de Kirchberg: autant de
structures et de démarches ayant fait leurs preuves, mais trop peu mises
à contribution pour le Plan communal d’intégration de la capitale.
D’ailleurs
la mouture finale de ce plan de 64 pages été transmise à trois
commissions consultatives cinq jours avant une réunion conjointe le 28
juin pour le discuter. L’adoption par le conseil communal avait lieu le
surlendemain.
Une approche volontariste pour la
participation électorale par une réduction de la durée de séjour comme
souhaitée par une résolution quasi unanime de la Chambre des députés du
27 janvier 2011(!) se fait attendre.
Sans doute
la désillusion du référendum de 2015 a-t-elle refroidi les ardeurs
démocratiques. N’empêche que le fossé continue à se creuser entre le
pays réel et le pays légal et la légitimité des élus continue à
s’affaiblir. Dans les pays sans vote obligatoire un premier défi
consiste à amener les électeurs aux urnes, les scores de participation
étant souvent à la baisse. Au Luxembourg le taux d’inscription des
étrangers sur les listes électorales n’équivaut-elle pas à un score de
participation? En prenant en compte pareil paramètre, le Luxembourg
figurerait en queue de peloton! Le taux d’inscription correspond quelque
peu à un baromètre d’adhésion, d’intégration. Dans les semaines à venir
toutes les communes sont obligées à mettre en place une nouvelle CCI.
Les candidats étrangers des élections d’octobre ont fait état de leur
intérêt pour le bien commun, autant bâtir une CCI avec eux. La
suggestion se heurtera dans la capitale au veto du principal parti
politique qui de cette façon n’y aurait pas de représentant.
En
attendant une refonte du règlement grand-ducal, les nouvelles
commissions devraient gagner en poids et visibilité par la saisie d’avis
du pouvoir communal, cet avis figurant dans le dossier des conseillers
communaux au moment du débat et du vote en plénière. C’est d’ailleurs ce
que prévoit le règlement d’ordre intérieur du conseil communal de la
capitale pour toutes les commissions consultatives, sauf la CCI!
Une revalorisation du CNE
Après
un mandat en demi-teintes marqué par une cascade de démissions, 22
membres ont été élus par une cinquantaine d’associations le 8 juillet
2017 au Conseil national pour étrangers, l’organe consultatif national.
Le mépris dont bénéficie cet organe consultatif est illustré par le fait
que près de cinq mois plus tard, la composition n’est toujours pas
complète: on attend les membres d’office devant être nommés par le
gouvernement.
Pendant des décennies cet organe, souffrant d’une légitimité limitée, n’a jamais été pris au sérieux par les gouvernements successifs. Rarissimes ont été les avis demandés au CNE.
La refonte du congé linguistique est explicitement évoquée dans le programme gouvernemental.
Après
une inaction de quatre ans, le projet de loi pour la promotion de la
langue luxembourgeoise en tiendra-t-il compte? Rappelons qu’en Allemagne
le nombre d’heures d’allemand (la seule langue officielle en RFA) est
de 600 heures, pouvant être augmenté jusqu’à 900. Ceci vaut aussi pour
les demandeurs de protection internationale. Pour une véritable
appropriation d’UNE langue il faut se donner les moyens. Le symbolisme
ne suffit pas.
Le projet d’un Parcours
d’intégration accompagné (PIA) actuellement en préparation devra être
ambitieux en matière de cours de langue et de connaissance de la
société. Un accès rapide au marché du travail, tel que préconisé par
l’OCDE en juillet dernier devrait en être un axe central d’un PIA coulé
dans une loi. Les propositions de la société civile – tenue à l’écart
des préparatifs – tracent un cadre ambitieux à la hauteur de l’enjeu et
dépassant la seule question des dpi.
Il faut
relever du côté des bonnes pratiques, les Assises nationales de
l’intégration locale tenues à Mersch le 11 février 2017 et leur suivi.
Ces lieux d’échange de bonnes pratiques entre responsables communaux et
associatifs sont essentiels. Une impulsion de la part du gouvernement
tarde à éclore, mais apparemment on s’est attelé côté ministère à
préparer un nouveau plan quinquennal … pour le gouvernement suivant sans
doute.
Un autre aspect positif réside dans les
Plans communaux d’intégration établis par-ci, par-là et encouragés par
le Syvicol. Ici encore on s’attend à ce que le savoir-faire de l’OLAI se
manifeste pour amener des échanges entre les communes qui lancent
pareils PCI.
A partir du moment où le
gouvernement retrouvera le cadre légal et fera respecter aux communes
leurs obligations, on sera en droit d’attendre une politique
volontariste en matière de trois vecteurs essentiels de l’intégration:
le logement, la participation et l’implication de la société civile.
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