Le contrôle des frontières est un souci légitime de tout Etat ou
ensemble d’Etats. La criminalité transfrontalière ou le trafic de drogue
illustrent les raisons d’être de contrôles. L’Union Européenne se veut un lieu
d’échange avec les pays de l’autre côté de la Méditerranée, par exemple dans le
cadre de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre
les cultures. Nous,
Européens n’avons pas la moindre difficulté pour aller disons en Egypte ou au
Maroc pour participer à un séminaire ou un échange de jeunes. Avez - vous
essayé de faire venir un Egyptien ou un Marocain dans ce cadre, un artiste ou
un jeune? Attentes, déboires, refus sont généralement à l’ordre du jour parce
que le soupçon général règne vis à vis des ressortissants de ces pays.
Continent vieillissant, l’UE doit mener des politiques d’immigration.
Elle consacre cependant davantage de moyens pour empêcher l’immigration, faute
d’avoir suffisamment de volonté politique et d’imagination pour mettre en place
une politique d’immigration commune.
Tout défenseur des
droits de l’Homme doit dénoncer l’amalgame fait entre l’immigration irrégulière
et la lutte contre la criminalité. Faut-il rappeler que le droit de quitter son
pays constitue un droit fondamental inscrit dans la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme et qu’en
conséquence toute personne qui quitte son pays et se présente aux frontières de
l’U.E. doit d’abord être considérée et traitée comme un être humain.
La lutte contre la criminalité
transfrontalière ne saurait donc utiliser les mêmes instruments que ceux
utilisés pour le contrôle de l’immigration irrégulière et pour l’accueil des
demandeurs d’asile.
Signataire de la Convention de Genève, les Etats membres de l’Union
sont obligés de garantir une procédure d’asile digne de ce nom. Souvent on a
l’impression qu’ils se consacrent davantage à empêcher les demandeurs d’asile
d’entrer sur leur territoire que d’offrir l’accès à une procédure.
Une panoplie répressive ou
une politique conforme aux valeurs de l’UE
Il conviendra de savoir si les politiques en route au niveau de l’UE
répondent aux besoins , créent de nouveaux problèmes ou correspondent aux
valeurs dont l’Union se réclame.
Les initiatives comme Eurosur, ESS et RTP témoignent d’une volonté
d’agir certaine. Cet activisme risque d’écraser les précautions indispensables
en matière de droits de l’Homme et faire l’impasse sur les politiques de
l’asile et de l’immigration.
Plutôt que de vouloir faire le tour de la question en 850 mots,
soulevons quelques questions:
Quelles sont les raisons qui ont motivé ces politiques Eurosur, EES et
RTP, sur quelles bases, études et analyses sont-elles fondées ?
La base de données énorme
va comprendre rapidement des informations sur des dizaines de millions de
citoyens venant en Union européenne et ce pour détecter celles et ceux qui
auraient dépassé les 3 mois usuels (avec ou sans visa). Le bénéficiaire d’un
séjour de 3 mois tombant malade et ne pouvant rentrer dans les délais, qu’adviendra-t-il
de lui? Le lendemain du dépassement (légitime) du délai va-t-il être recherché
par Interpol?
Si par les moyens prévus une embarcation de «clandestins» est détectée
en Méditerranée et qu’elle sera abordée par des forces de l’ordre de l’UE, les
occupants seront sauvés (ce qui ne fait que suivre une tradition millénaire de
sauvetage en mer codifiée entretemps par l’Organisation Maritime
Internationale) et quel sera le sort des sauvés? Les renverra-t-on sans autres
ambages vers la Libye de jadis, la Turquie d’aujourd’hui ou encore la Syrie en
flammes?
Les navires militaires, mis à disposition de Frontex par les Etats
membres ont un statut particulier qui outre l’immunité complète dont ils
bénéficient, sont aussi une portion de territoire national. Les personnes qui
sont recueillies à bord de ces navires devraient donc bénéficier de plein droit
de la législation en vigueur dans ces pays et en particulier des droits
relatifs aux réfugiés. Les navires participant à une opération Frontex
devraient être non seulement soumis explicitement à l’obligation de sauvetage
des migrants en péril, mais aussi à considérer les personnes recueillies comme
étant entrées sur leur territoire national. Ces personnes ont - elles pour
autant accès à toutes les procédures disponibles et obligatoires qui existent
dans l’Etat national?
L’Agence des droits fondamentaux, instrument fort utile de l’UE, n’est
malheureusement pas mandaté pour assumer un rôle de surveillance et
d’évaluation du respect des droits de l’Homme. Dans la perspective des
politiques dont question ici, ne faudrait-il pas modifier le mandat de cette
Agence et en faire une véritable autorité indépendante conformément aux
principes de Paris?
Le débat reste ouvert: il n’y va pas moins que de nos valeurs, valeurs
gravées dans le marbre de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
Européenne.
Serge Kollwelter, président de l’Association européenne pour la défense
des droits de l’Homme AEDH
Sources:
Pour : Govdernment Gazette mars 2013
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