in: Forum octobre 2013
Au moment d’écrire ces quelques lignes, je n’ai
pas sous la main les programmes électoraux des partis politiques en matière de
scolarisation. Je veux saluer ici la volonté de Mady Delvaux de relever les
défis - connus depuis longtemps et largement refoulés. Derrière le mur du refus
s’est constituée une coalition du status quo qui semble vouloir ignorer la
réalité sociale changeante.
Le débat sur
l’école débouche rapidement sur la question des langues, rendons – nous à la
ligne de départ, le précoce et le préscolaire (cycle 1 de l’enseignement
fondamental). Ces 2 à 3 années mènent vers l’alphabétisation en langue
allemande en cycle 2. Celle – ci est basée sur de larges connaissances du
luxembourgeois que d’aucuns apportent de chez eux, d’autres sont amenés à
acquérir. Sans vouloir diminuer le caractère essentiel de socialisation à la
« Spillschoul » et sans lui conférer un caractère trop scolaire, force
est de constater qu’il y a une forte attente pour que les bambins qui en
sortent soient bien équipés en compétences linguistiques pour aborder la
scolarité, la vraie ! Avec Léon comme seul copain étranger dans la bande de 25 au primaire des
années ’50 , celui-ci était bien
entouré et la langue luxembourgeoise s’imposait toute seule. De nos jours dans
la même école, 3 luxembourgeois sont entourés d’une douzaine d’enfants n’apportant
pas le luxembourgeois de chez eux. C’est au préscolaire que se joue l’avenir
scolaire des enfants, estime-t-on en Finlande et on y dédie les enseignants les
mieux formés.
Nous voilà
arrivés au primaire (cyle2). Les institutrices et les (quelques ) instituteurs (restants) luxembourgeois y ont des compétences
pour enseigner une langue étrangère et les utilisent pour la langue française
en cycle 2.2. Pour l’allemand, nous faisons l’impasse sur pareille approche,
comptant sur le transfert de larges connaissances du luxembourgeois vers la
langue de Goethe. Si ces
connaissances sont étriquées, le transfert ne fonctionnera pas et c’est le cas
pour de très nombreux élèves dont la langue du foyer familial est « étrangère ».
Pour une très large part des enfants étrangers les difficultés en allemand apparaissent
au grand jour après la phase d’alphabétisation proprement dite. Progresser en
allemand, c’est grimper un escalier. Alors que leurs copains luxembourgeois montent
ces marches en se servant de leur
langue maternelle comme main courante, cette aide fait défaut aux
« autres », certaines marches sont trop hautes. Aborder aussi l’allemand
comme une langue étrangère ne ferait de mal à personne.
Même si
l’oral a gagné en importance au
fil des décennies à l’école primaire (il est noté à part dans les 2 langues) il
n’en reste pas moins que c’est un oral scolaire et que le glissement vers la
langue luxembourgeoise comme langue véhiculaire se fait presque d’office. Un
potentiel s’est ouvert à ce stade avec la multiplication du teamteaching. Et si
au 3e et 4e cycle les membres du teamteaching utilisaient
chacun une autre langue, mais de façon conséquente, tant en cours de langue
qu’en branches dites secondaires, y compris en gym ? Comme dans un couple
bilingue, les enfants s’y feraient vite. Ce qui importe, c’est qu’ils
commencent à se sentir à l’aise pour parler une langue. J’y reviendrai.
Pour
améliorer le parler, ou plutôt pour vivre des situations où parler allemand ou
français fait du sens parce que les interlocueteurs ne parlent que cette
langue-là, l’école peut mobiliser des ressources en son sein et au delà. Depuis
plus de 20 ans l’ASTI envoie tous les ans fin août des jeunes de 12 à 14 ans pendant deux semaines dans des
familles à Wittlich, un peu plus loin que Trèves. Ils y accompagnent le fils ou
la fille de la famille à l’école qui y a déjà commencé, mais surtout seront -
ils pendant ces semaines là en immersion complète. Des centaines d’enfants sont
revenus non seulement avec des compétences orales assurées, mais encore avec une
toute autre attitude vis – à – vis d’une langue qui jusque là ne leur causait
que des soucis et des mauvaises notes !
Un projet
pareil n’a pu se faire encore avec la France. A compter le nombre de classes
tant du primaire que du secondaire qui se déplacent à l’étranger, les uns à la
côte, d’autres en montagne, on peut se demander si cet effort ne pouvait être investi
autrement, en séjours linguistiques, dans des familles et sur base de
réciprocité. Pour en limiter les frais, pareils séjours linguistiques/ échanges
scolaires pourraient se faire en Grande
Région avec comme bénéfice collatéral une meilleure connaissance mutuelle.
La
floraison des maisons relais et autres foyers scolaires aboutit à une offre de
type Ganztagsschule. L’offre s’est développée à cause des 2 parents occupés
professionnelement qui n’ont plus la même disponibilité pour aider les enfants
dans leurs devoirs à domicile, tout en sachant que d’autres n’en ont pas les
moyens linguistiques et de
formation. Le fait que les 2
structures dépendent de deux Ministères (Education et Famille) ne facilite pas
les choses. En 2004, à quelues semaines des élections, l’ASTI avait organisé un
débat sur cette question, Tous les partis, je dis bien tous, étaient d’avis que
les 2 structures devaient être sous l’autorité d’un même Ministère. Il n’en a
pas été ainsi, les « savantes »
raisons de coalition l’ont sans doute empêché. Cette question ne tient pas aux
seules autorités de tutellle, elle doit s’accompagner d’un travail d’équipe
regroupant instituteurs et éducateurs en équipe pédagogique, non pas pour que
les uns et les autres fassent la même chose, mais qu’ils deviennent complémentaires.
A cet effet, une formation partagée serait de mise : elle n’entrainerait
pas de gros soucis logistiques,
puisque futurs enseignants et éducateurs sont sur un même campus à Walferdange.
Le responsable de la structure d’accueil devrait être membre d’office du comité
de l’école fondamentale. Et ce comité serait animé par un directeur - âme du
projet pédagogique qui aurait fait un master adapté à l’université.
Et la
relation avec les parents ? Leur intérêt pour l’école n’est pas toujours au
rendez - vous? Y ont – ils une place
au delà de leur représentant au comité d’école ou dans les réunions de
parents ? Et si – disons une fois par mois le samedi matin il y avait une
activité avec les parents à l’école, en les impliquant? Je
ne puis m’empêcher de citer une expérience rencontrée il y a une trentaine
d’années. Une collègue du préscolaire permettait aux parents de rester en salle
de classe jusqu’à 9 heures : il s’agissait surtout de mères. Qui de la sorte y avaient tout
normalent leur place. S’il arrivait que la titulaire de classe tombait malade,
c’étaient ces mères qui faisaient le relais vers la remplaçante.
Assez
d’anecdotes (pour l’instant), passons
au secondaire, autre période décisive. Avant d’en venir aux langues, nous dirons
adieu au brassage social, et en route pour la ségrégation sociale. Je sais que
la formule est forte, mais il s’agit quand même plus ou moins de cela. D’un
côté les bons élèves issus des bonnes familles, de l’autre ceux de milieux
moins favorisés, sans oublier les 15 % confinés dans le préparatoire. Le débat sur
un tronc commun, sujet tabou par excellence, comprend bien sûr une dimension
pédagogique, mais relèverait aussi de la cohésion sociale, question
particulièrement importante au Grand – Duché.
Le classique
comme pépinière des futures élites
fournit des jeunes experts en 2 ou
3 littératures étrangères. Sont-ils pour autant à même de mener une
conversation conséquente dans ces mêmes langues ? Un grand nombre de
lycéens des classes supérieures qui m’ont fait part lors de discussions qu’ils
avaient des problèmes pour parler français au supermarché ou chez le boulanger.
J’en connais, qui à l’entrée en université francophone, ramaient en cette
langue. Ceux – là mêmes ont fait peut être l’expérience que voici en
classe de 2e . Cours de littérature française. Dans 5 minutes ce
sera la récréation. Le professeur de dire que comme il n’y a plus beaucoup de
temps et que si les élèves ont des questions, ils pouvaient les poser en
luxembourgeois. Je citerai
aussi mon expérience de 15 années d’enseignement à l’ISERP – où l’on trouvait les
jeunes avec les meilleures notes en langues au bac. Le cours se donnait en français et quand j’encourageais les
étudiants à poser des questions ou à intervenir, à chaque fois ils me demandaient s’ils pouvaient le
faire en luxembourgeois.
Si j’ai
bien compris la réforme envisagée par la Ministre sortante, il y serait
question de pondération des exigences linguistiques. Il est évident que de
larges connaissances en plusieures langues constituent un avantage, y compris
par rapportà aux frontaliers. Faut – il pour autant utiliser les langues comme
moyen de sélection ?
A la fin de
la scolarité, le jeune aura réuni un bouquet de langues, les vues actuelles
veulent que ce bouquet soit constitué à l’identique pour chacun : autant
de Veilchen, de myosotis de
daisies. Et si ce bouquet de même volume pouvait être autrement mélangé, tout
en restant plus grand que celui
des jeunes de l’autre côté de nos frontières? Et quelques Veilchen remplacés par un certain nombre de cravos, par
exemple ? Une pondération des langues n’enlèverait rien au multiliguisme
gravé dans le marbre il y a des décennies quand le latin faisait partie
d’office du canon des langues des « élites ».
Pareille
option serait donc prévue pour le technique, le classique s’opposant de toutes
ses forces à pareil rabaissement de niveau, comme le proclament ses thuriféraires.
Si la rengaine de la baisse de niveau entendue pendant un demi siècle avait eu les effets annoncés, nous en
serions à la génération des
analphabètes. D’après Madame Delvaux ce serait le blocage total, sans doute de
la part des enseignants. Je les comprends : ils sont l’incarnation de ceux
qui ont réussi dans le système scolaire, pour quoi y changer quelque
chose ? A l’écart de la « racaille » depuis la 7e, ils
peuvent se passer et passer à côté de la réalité sociale changeante: elle
n’influera pas sur leur statut !
La
propostion de recruter des native speakers pour l’enseignement des langues,
figurant dans le programme gouvernemental de 2004, a fait long feu et a disparu
sans laisser de traces dans celui de 2009.
Un dernier
point qui relève de l’apprentissage de la vie en société démocratique et se
limite souvent à l’instruction civique. Voici d’ailleurs une limitation extrème:
en 2009 un cours d’instruction civique, se résumant toute l’année à des films, a abordé les élections la semaine après le
scrutin de juin. Le peu de confiance accordée à l’éducation civique au
secondaire par le législateur ressort du projet de loi devant modifier la
naturalisation. Si ces dernières années les personnes ayant fait 7 années de
scolarisation dans le système scolaire luxembourgeois étaient dispenés de fréquenter des cours d’instruction
civique en vue de l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise, il n’en sera
plus ainsi, ces cours devenant obligatoires pour tous. De la sorte les seuls
pour lesquels ces cours ne seraient pas obligatoires sont des jeunes
luxembourgeois.
Plus
sérieusement, la prise en compte par l’école des jeunes en tant que (futurs)
citoyens, respectivement dotés de tous les droits à l’âge de la majorité, doit
être renforcée. Lors d’une discussion sur les droits de l’homme, la classe est
très sceptique. J’essaie d’en savoir plus. Leurs actions auprès de la direction
concernant un enseignant alcoolique n’avaient pas abouti. Plus
tard, la personne avait été retirée de l’école. Les élèves étaient déçus, non
pas du résultat, mais du fait qu’ils n’avaient pas été pris au sérieux et que
la direction n’avait agit qu’après l’intervention des parents.
Lors de
leur passage au lycée les élèves devraient aussi avoir l’occasion de suivre le
travail de ceux qu’ils ont élu au
conseil d’éducation du lycée . Le pouvoir démocratique par délégation est
l’essence de notre démocratie représentative. Il n’est pas compliqué de transmettre
par internet les débats de cet organe vers les salles de classe où précisément
à ce moment-là se dérouleraient les cours d’éducation civique.
Et si le
cours unique d’éducation sociale et morale, valorisé par des enseignants
spécialisés, comblait cette lacune pour le plus grand bien du vivre ensemble en
société !
serge
kollwelter
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