Au fil des « vagues migratoires » l’associativisme
a joué un rôle certain, s’adaptant aux
circonstances changeantes. Il est loin le temps des mutuelles regroupant des
immigrés italiens devant soutenir leurs membres en cas de pépins,
voir de désastre.
A l’arrivée d’un
nouveau groupe de migrants, des associations vont fleurir en son sein. J’ai
pu le voir, assister, participer au niveau de l’immigration
portugaise dans les années ’70 tout comme avec
l’arrivée des demandeurs d’asile
venant des Balkans au gré de leurs appartenances serbe, monténégrine,
bosniaque, croate ou albanaise.
Ce foisonnement multiforme, à durée
de vie plus ou moins éphémère
ou durable, n’a malheureusement pas encore donné lieu
à une étude par exemple sur l’incidence
des personnes liées à des associations sur leur parcours d’intégration
au Grand - Duché.
Le livre d’Andrea Gerstnerova «Temps
de crise et vie associative, Migrants de l’Afrique
subsaharienne et des Balkans en Europe» va -t-il combler ce vide ? Ce serait
peut être trop en attendre, d’autant plus qu’il
cible les seules communautés des Balkans et d’Afrique
subsaharienne.
L'intérêt consiste dans le
regard sur 2 groupes d'immigrés
moins anciens et dont émergent d'un côté les
Cap - Verdiens et de l'autre les Monténégrins pour être
respectivement les plus nombreux. Les uns sont venus sous couvert de colonialisme
ou postcolonialisme portugais, les autres comme demandeurs d’asile
bénéficiant du statut ou d’une
régularisation.
Les huit thèmes envisagés dans le livre
sont très prometteurs, puisque la moitié est
consacrée au monde du travail en temps de crise, l'autre moitié aux
associations proprement dites.
89 personnes du Luxembourg ont été abordées,
tant des Balkans que de l’Afrique, mais aussi de la société civile:
syndicats, organismes et associations comme ASTI et CLAE. Je ne sais d'où l'auteure
tire le statut "d'utilité publique" que ces derniers
auraient obtenu du Ministère de la Justice (page 39). Les choix
des interlocuteurs ne sont malheureusement pas expliqués, pas
d'informations donc non plus sur les "oubliés": serbes ou
cercle des étudiants africains, par exemple.
Des associations créées souvent dans l’urgence ou pour un évènement
précis et se donnant des buts et objectifs font naître
des attentes. Cependant faute de moyens, elles s’essoufflent souvent
rapidement. Rares sont celles qui peuvent recourir à un
local, à des subsides publics. Le livre fait état de 8 500 asbl
au Luxembourg toutes « origines » confondues,
mais fait l’impasse sur le nombre d’enregistrées
encore à jour ou déjà rayées
du Registre des Sociétés. (Or les asbl qui
ne publient pas composition du comité et liste des membres deviennent des
associations de fait, c’est à dire
perdent leur personnalité juridique).
Il y aurait 80 associations de ressortissants des Balkans, souvent des asbl et
quelques dizaines comprenant des Africains plutôt des associations
de fait. A la page 78 il est question de 65 associations musulmanes bosniaques:
l’islam comme principal fédérateur
d’associations donc! On nous informe aussi que les
associations de subsahariens comptent en moyenne moins de 5 membres, à l’exception
des cap - verdiennes. Dommage que cet aspect ne soit creusé!
En 2012 il aurait eu au Luxembourg 30 000 résidents
de nationalité et d’origine ex - yougoslave et 6 000 du
Cap Vert (graphes pages 50 et 51). Je ne sais pas comment on en vient à ces
chiffres, puisqu’en ajoutant aux résidents légaux les naturalisés
on n’arrive chaque fois qu’à la
moitié!
Certes il ne s’agit pas d’un livre d’histoire,
cependant à l’origine de l’immigration
yougoslave et cap verdienne il y a des accords de main d’oeuvre datant tous
les deux de l’année 1972. Si le premier a été signé avec
le Portugal, il contenait des restrictions pour les Cap - verdiens, colonisés
à l’époque encore, le deuxième
n’a pas donné lieu aux mêmes développements,
les autorités luxembourgeoises se rendant compte que tous les
Yougoslaves n’étaient pas catholiques…. Si les guerres en
Yougoslavie ont « drainé » de
nombreux migrants ou réfugiés vers le Grand
Duché, on devrait cependant noter que les résidents
d’avant guerre étaient bien réels, avaient des
associations, bénéficiaient de cours
de langue serbo - croate pour leurs enfants et même d’une
émission sur RTL.
Pour les 2 immigrations la reconnaissance des diplômes
et compétences constitue un obstacle majeur pour accéder
au marché de l’emploi, les Africains étant
souvent moins qualifiés que les ex- Yougoslaves. Notons que l’auteure
perd parfois de vue les Balkans du Sud, notamment l’Albanie « fournisseur » de
migrants et demandeurs d’asile pour le Luxembourg.
Les relations des associations étudiées
avec les pouvoirs publics seraient peu structurées, les appels des
communes à ces associations resteraient sans réponse. Le salut viendrait-
il des Commissions communales d’intégration,
obligatoires dans toutes les communes ? Reste à voir
les effets du règlement grand-ducal du 15 novembre
2011 qui en est à l’origine!
Le livre esquisse rapidement un autre volet de l’associativisme
de ressortissants de pays tiers, à savoir la promotion d’actions
humanitaires au pays d’origine. A la page 68 nous
apprenons que l’asbl
« Maison
d’Afrique » met en oeuvre un programme de
microcrédit qui permet de réaliser différents projets
individuels (ouverture de petits commerces, etc) par des migrants installés
au Luxembourg et leur famille dans le pays d’origine.
Le livre de Gerstnerova a un intérêt
certain. De nombreuses questions restent cependant sans réponse.
Citons en quelques-unes. Qu’en est - il de la collaboration entre
associations, de même nationalité, d’origines
différentes? Qu’en est - il d’une collaboration
entre associations lors d’une manifestation emblématique
comme le Festival des migrations et au-delà? Quel est l’appui
dont peuvent bénéficier le cas échéant
les associations? Qu’en est-il du rôle des associations
issues de larges communautés comme la portugaise? etc., etc.
Un vaste champ à explorer ….
serge kollwelter
GERSTNEROVA, A
Temps de crise et vie associative
Migrants de l'Afrique subsaharienne et des Balkans en Europe
Préface de Sylvain Besch
L'Harmattan, Paris, 2013, 194 pages
ISBN : 978-2-343-02297-0
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