Diversité
ou égalité
Attardons-nous quelques instants sur Walter Benn Michaels, professeur de littérature à l'université de l'Illinois à Chicago et son livre La Diversité contre l'égalité . Michaels nous alerte : «La diversité n'est pas un moyen d'instaurer l'égalité, mais une méthode de gestion de l'inégalité.» Dans son livre, il pose, en particulier, la question essentielle que voici : une société dont les classes dirigeantes reflètent la diversité a-t-elle vraiment progressé sur le chemin de la justice sociale? Il répond par la négative, expliquant que la promotion incessante de la diversité et la célébration des «identités culturelles» permettent au mieux, selon lui, de diversifier la couleur de peau et le sexe des maîtres. Sans remettre en cause la domination des riches sur les pauvres.
Qu'en est-il au Luxembourg?
Le vivre ensemble sur base de droits égaux se construit au jour le jour et, comme le dit la loi, à double sens. Sont donc concernés les nouveaux arrivants et les anciens.
L'implication des partenaires sociaux dans l'initiative «Making Luxembourg» est de bon augure, tout comme un récent document de la Chambre de commerce qui constate que la diversité règne, mais l'intégration stagne!
Le référendum
de juin
La campagne pour le référendum sera une nouvelle occasion de construire une maturité démocratique inclusive. Mais ce référendum ne constitue qu'un moment, certes important. Quelle qu'en soit l'issue, le développement de la cohésion sociale restera à l'ordre du jour!
Assistons-nous à un changement de paradigme, la politique d'intégration devenant une véritable priorité?
Le nouveau gouvernement a ouvert des perspectives, la dynamisation de l'Office luxembourgeois de l'accueil et de l'intégration (OLAI) est à l'ordre du jour, la mobilisation des communes comme acteurs d'intégration sera essentielle. Dire que les organisations conventionnées n'étaient même pas obligées de fournir un rapport annuel alors qu'elles brassaient des centaines de milliers d'euros. Sans oublier qu'il n'y avait aucune coordination entre les acteurs gouvernementaux, communaux et associatifs!
Miser sur les
associations
Il va sans dire, à ce propos, que si le mouvement associatif veut être pris au sérieux comme interlocuteur 365 jours par an, il devra s'y prendre autrement. Le potentiel est là, il se célèbre ces jours-ci. Espérons que celles et ceux qui se présentent au public véhiculent un message cohérent et partagé, aient une pratique d'ouverture, une volonté de collaborer au-delà de leur «ethnie», se sentent impliqués dans une démarche politique au fil de l'année.
Je me mets à rêver un instant d'un mouvement associatif, comprenant associations ethniques et mélangées, appuyant les structures consultatives communales et nationales en les sortant du rôle plus ou moins confidentiel dans lequel elles sont souvent confinées. C'est ainsi qu'une petite quarantaine d'associations seulement élisent tous les cinq ans le Conseil national pour étrangers (CNE), devenu de fait Conseil des étrangers, puisqu'ils y sont une très large majorité. En règle générale, personne ne sait ce qui s'y passe!
Dans mon rêve, le mouvement associatif fédéré fournirait un appui logistique à cette structure consultative nationale et lui permettrait de la sorte de recourir à des ressources et à des expériences et en ferait un interlocuteur respecté, un peu à l'instar des chambres professionnelles qui, elles, sont sous-tendues par des organisations syndicales et patronales. Encore faudrait-il que le CNE actuel, qui a perdu, au fil des ans, pas mal de ses élus, se réveille.
Les frontaliers,
ces mal-aimés
Pris dans la mondialisation, le Grand-Duché n'a pas de prise sur tous les paramètres. Il est d'autant plus significatif qu'il ait saisi la hache contre les frontaliers en matière d'allocations familiales et de bourses d'études sans se soucier des dégâts autres que financiers.
Un changement d'attitude semble s'opérer en matière de chèques-service : est-ce par conviction ou simplement pour prévenir une nouvelle condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne? On peut se demander si les frontaliers seront au grand rendez-vous de ce week-end...
Faire le Luxembourg
de demain
Un domaine dans lequel la souveraineté reste quasi totale est l'éducation. Ici, la cohésion sociale se construit par l'égalité des chances. Au fil des décennies, on n'a pas cessé d'y coller des sparadraps. Depuis qu'on essaie d'apporter des remèdes plus conséquents, c'est la levée des boucliers.
De nouveaux élans sont également en perspective pour aborder l'apprentissage linguistique «à la racine», du moins pour ce qui est de l'intervention étatique : des crèches bilingues! Cette idée n'est pas sans intérêt, reste à la doter de moyens. Inspirons-nous de la Finlande : on y attribue les enseignants les mieux formés aux plus petits enfants! Il va sans dire que l'une ou l'autre heure consacrée à une deuxième langue à cet âge ne saura se substituer aux 2 000 heures de préscolaire et aux 6 000 heures de primaire.
La question de l'apprentissage proprement dit des langues restera entière à travers tous les ordres d'enseignement : une approche de l'allemand comme langue étrangère, une alphabétisation en français, une pondération des exigences linguistiques, etc. Tout faire dépendre d'une nouvelle approche linguistique dans les crèches signifierait attendre 2031, lorsque les bambins auront achevé leur scolarité obligatoire. Le multilinguisme nécessite de prendre une multitude de mesures, pour autant qu'on veuille infléchir le cours des choses et utiliser la souveraineté. Sans oublier que des milliers de primo-arrivants viennent frapper chaque année aux portes de nos écoles.
Le Luxembourg de demain se construit grâce aux jeunes passant par notre système scolaire. Qui peut mieux faire.
*Serge Kollwelter est le cofondateur de l'Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), qu'il présida de 1979 à 2009.
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