mercredi 16 mars 2016

Solidarité au sein de l’UE au lieu de sous traitance par la Turquie

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L’incapacité de l’UE et de ses Etats membres à développer et à mettre en pratique des politiques humaines et opérationnelles qui  procureraient des solutions durables aux millions de réfugiés, tant en Europe que dans les régions des conflits est préoccupante. Il s’agit d’une crise de la solidarité, non pas d’une crise humanitaire. La solidarité entre les Etats membres est requise plus que jamais pour endiguer la globalisation de l’indifférence et la montée des mouvements populistes. Plutôt qu’une coalition d’un petit nombre de convaincus partageant une responsabilité, une coalition unie de 28 gouvernements européens, adultes et responsables, est indispensable et urgente. En absence de pas décisifs et détaillés pris immédiatement les leaders européens abandonnent le terrain aux populistes et marchands de peurs et mettent en jeu la crédibilité de l’UE.

Un programme d’échange de réfugiés entre l’UE et la Turquie est envisagé: retenir les réfugiés au Moyen Orient n’a pas fonctionné, les dévier par des murs et clôtures aux frontières de la Hongrie et de la Macédoine non plus, ni une protection temporaire ou une relocalisation. En contre partie d’ « un de sorti, un de repris » la Turquie recevrait 6 milliards d’euros pour héberger des milliers de réfugiés dans des camps. Pour une personne retournée vers la Turquie, un demandeur de protection y attendant déjà dans un camp serait admis par l’UE.

Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés a critiqué cette façon de faire comme contraire la Convention de 1951 sur les Réfugiés, qui garantit à chaque demandeur d’asile une procédure individuelle, un droit d’appel contre un refus de protection et l’assurance d’un renvoi vers un pays qui garantit ses droits de l’Homme. Le Cercle de Coopération estime inacceptable la mise en péril de la protection des réfugiés.

Il appert que les leaders de l’UE - confrontés à des entrées dites illégales ont décidé d’ignorer les signaux d’alarme provenant de l’évolution récente de la Turquie. Ils ont détourné la tête lorsque le gouvernement turc a attaqué les médias, écartés les dissidents intellectuels et bombardé les combattants kurdes en Syrie. Pour conclure cet accord la Turquie serait gratifiée du statut de pays sûr. Au lieu d’une porte de sortie nous aurons une porte rotative. De nouvelles routes seront à l’ordre du jour: en bateau d’Albanie vers Bari ainsi que les routes de l’Afrique du Nord vers Lampedusa ou l’Espagne.  Avec davantage de risques pour les réfugiés et des recettes accrues pour les passeurs.

La décision de doubler l’aide à 6 milliards ne devrait pas entraver l’Aide Officielle au Développement et l’aide humanitaire essentielle pour l’aide aux réfugiés dans les régions de conflit et moins encore l’action contre les raisons de la migration forcée. L’Histoire nous apprend que des moyens financiers des Etats pour favoriser retour et réinstallation, y compris éducation, logement et santé destinés aux concernés et à leurs familles ne leur sont que rarement attribués directement, c’est aux gouvernements qu’ils sont confiés avec tous les risques de dérives. Dans le cas de la Turquie il ne faut pas avoir une imagination débordante pour prévoir qu’elle va encourager davantage de départs vers l’UE pour engranger davantage d’aide. Par ailleurs le gouvernement turc veut accélérer le processus d’adhésion à l’UE tout en bafouant les valeurs de celle -ci !

L’UE doit au plus vite remettre de l’ordre dans sa maison. A cet effet le Conseil doit prendre les mesures suivantes :

-    Arrêter le blocage des frontières autour de la Grèce et dans les Balkans: la situation à Idomeni est une honte !
-    Relocaliser les 160 000 personnes dont question en Septembre 2015: seulement 700 l’ont été à ce jour.
-    Assurer que l’extraordinaire effort humanitaire au sein de l’UE ne va pas entraver les moyens plus nécessaires encore dans les régions proches du conflit, dont le Liban et la Jordanie.
-    Aborder les raisons des migrations forcées, ce qui nécessiterait le triplement des budgets pour combattre l’extrême pauvreté et la fragilité,  notamment en Afrique.
-    Mettre fin aux accords commerciaux favorables à l’UE et bouchant les perspectives de nombreux jeunes en Afrique notamment.
-    Ouvrir davantage de canaux légaux vers l’UE, suspendant par exemple temporairement les sanctions pour les compagnies aériennes embarquant des réfugiés.
-    Mettre fin à au transfert de la gestion de la politique migratoire de l’UE à des pays tiers et causant de la sorte morts et catastrophes humanitaires le long des routes de l’exil.
-    Chercher des alternatives à la règlementation de Dublin en supprimant le rôle du premier pays d’arrivée dans l’UE.
-    Développer une intégration sociale durable notamment par une scolarisation poussée et se donner les moyens financiers nationaux et européens dans ce sens.
-    Respecter le cadre légal international : l’UE ne peut renoncer à ses obligations et responsabilités.
-    Attribuer les moyens du Fonds mis en place à La Valette à des organisations de la société civile et aux entreprises sociales et non aux gouvernements des pays d’origine ou à ceux de l’UE  qui dévient les fonds destinés à la coopération pour la gestion des réfugiés.
-    Revoir la notion de « pays sûr » en excluant tout pays ou région déclaré comme tel pour des raisons politiques. Ceci concerne en particulier la Turquie , un pays  critiqué il y a peu encore par l’UE pour avoir réprimé  des manifestants pacifiques, muselé la presse ou bombardé les positions des kurdes en Syrie ou en Iraq

Nous attendons une attitude ferme et cohérente du gouvernement luxembourgeois au Conseil européen du 18 mars.

Signataires :
Robert Altmann
Franco Barilozzi
Paul Bissener
Rosa Brignone
Jean Pierre Dichter
Sergio Ferreira
Jean Feyder
Pierre Joppart,
Serge Kollwelter
Jean Lichtfous
Joaquim Monteiro
Gilbert Pregno
Pablo Sanchez
Claude Weber
Raymond Weber
Raymond Wagener
Laura Zuccoli

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