samedi 5 février 2011

Pour un monde sans murs





.Gorée, l'île des esclaves , en face de Dakar, un signe très fort,trop fort diront certains , pour illustrer les migrations de nos jours.
Si pour l'essentiel, l'esclavage a été surmonté,les déplacements de populations,forcés ou plus ou moins voulus, entrainent pour autant pour beaucoup de migrants un lot d'incertitudes, de déboires, d'exclusion ou de discrimination.
Gorée a constitué une étape décisive d'une démarche entamée il y 5 ans à Marseille, par un groupe d'immigrés sans papiers subissant les effets de la crise mondiale avec ses politiques restrictives et répressives, sous pression de diverses formes d'expressions politiques xénophobes voir ouvertement racistes notamment en Europe.Ses Marseillais d'adoption se sont mis à rédiger, sans l'aide de personne, un projet de charte des migrants. Au fil des années le texte a migré à travers les continents, enrichi d'expériences vécues aux quatre coins du monde pour débarquer à la veille du Forum social mondial à Gorée.
Des centaines de migrants, sans tutelle d'associations saisissant la parole à leur place, y ont mis pendant 2 jours de débat intense une dernière touche au texte devenant la charte mondiale des migrants.
De victimes effectives ou décrites comme telles, ces hommes et femmes ont l'ambition de devenir des acteurs dans une société qui trop souvent leurs refuse les droits élémentaires.
Gorée est à quelques kilomètres d'un continent traversé par des migrations inter-africaines de grande ampleur, se heurtant de plus en plus aux frontières des états tout en jetant un certain nombre de jeunes sur la mer en route vers "l'eldorado

européen". C'est dans une perspective de survie que cette jeunesse risque sa vie en haute mer, 1 500 kilomètres séparant les plages du Sénégal de l'Europe incarnée par les Iles Canaries. "Barça ou Barsac", Barcelone ou la mort, une alternative pour répondre au drame qui secoue le continent noir?
Les travaux sur la charte mondiale se faisaient sous le slogan "Pour un monde sans murs" . La Charte déclare que les humains appartenant à une même Terre doivent pouvoir y circuler et s'installer librement.Les migrants du monde entier doivent jouir des même droits que les nationaux. Les droits humains sont inaliénables et indivisibles et doivent être les mêmes pour tous. L' accès à l'éducation doit être garanti aux personnes migrantes et à leurs enfants.Les droits des personnes doivent découler de la résidence et non de la nationalité, dés lors la participation des migrants à la gestion de leur cité de résidence doit être garantie.
La distinction essentielle entre la charte des migrants et les conventions internationales négociées par des institutions ou des gouvernements c'est qu'elle est le fruit du vécu des concernés et non le résultat de négociation, de compromis ou de compromissions: La charte mondiale ne vaudra que par les échos qu'elle aura, sa diffusion et ses appuis. Notons au passage que la convention internationale du droit des migrants et de leurs familles, largement plus modeste, signée le 18 décembre 1990 n'a été ratifiée à ce jour par aucun pays d'accueil!
Les aspirations de la charte paraîtront peut être trop radicales à d'aucuns; les concernés n'auraient donc pas le droit à l'égalité?
A deux pas de la "porte sans retour" par laquelle passaient les esclaves en quittant l'île, peut être que ce Gorée- çi constitue une petite brèche, une porte vers davantage d'humanité.
Serge Kollwelter, Dakar

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