dimanche 11 mars 2012

The Times They Are A Changin'

Alors que la gauche des années '70 avait mis sur son drapeau (scolaire) le combat pour l'égalité des chances, pour la promotion des enfants d'ouvriers, ce discours s'est effiloché  au fil des décennies pour disparaître complètement. Il a été - peu heureusement - remplacé par un discours, souvent confus, jamais conséquent, des gauches et droites confondues sur les problèmes de scolarisation des enfants étrangers. Dans les années '70 on les appelait encore enfants immigrés, même si le changement d'environnement scolaire n'était pas de leur fait, mais relevait de la décision des parents. Ces enfants - là, pour autant qu'ils ont pris souche au Grand Duché, sont devenus parents d'une 2e génération et la génération suivante pointe elle aussi déjà le bout du nez. Les Allemands parleront de Migrationshintergrund. Contrairement à nos pays voisins, la venue de nouveaux migrants - avec enfants- n'a pas fléchi et le système scolaire continue d'être interpellé  par des nouveaux arrivants. Le solde migratoire s'élevait de 5 à 7 mille par an de 2005 à 2010.
Leur scolarisation avait été abordée une première fois par le Ministre de l'Education Fischbach avec ses 40 mesures et l'ambition d'une approche globale.
Revenons encore à la terminologie: notre école publique a hérité pour l'essentiel des seuls enfants de travailleurs, les enfants de cadres et de fonctionnaires internationaux n'ont pas été obligés de passer sous les fourches caudines de l'école luxembourgeoise, l'intégration ne leur était pas destinée.La percée d'enfants d'ouvriers immigrés vers le secondaire classique ne se fait qu'au compte gouttes. En additionnant ceux qui fréquentent les écoles internationales au Luxembourg et les écoles de l'autre côté de la frontière, en Belgique et en France j'en viens à 10 000 enfants et jeunes qui échappent aux bienfaits de l'école intégratice luxembourgeoise.
Dans les années '50 à l'école primaire de Weimerskirch j'avais un seul copain étranger sur deux douzaines d'écoliers par classe. Dans le même quartier, il y aura de nos jours 2 ou 3 élèves luxembourgeois sur un total d'une quinzaine.
Lorsque j'entrais en septième de l'Athénée, en l'année du traité de Rome, sur les 52 (!) élèves de la classe je fus un des deux seuls dont le père n'avait pas de bac en poche. Lorsque je commençais à enseigner en 1969 au Bridel, j'avais une élève non - luxembourgeoise. Je ne suis pas particulièrement fier de mon impuissance....
En cette année scolaire - la, il y eut 1 535 enseignants  pour 1 532 classes de l'école primaire et complémentaire, moyenne d'élève par enseignant et par classe: 22. Au moment de rendre mon tablier d'instituteur en 2010 on comptait 3 498 enseignants à l'école fondamentale pour 2098 classes, ce qui équivaut à 15 élèves par classe. Le nombre d'enseignants part time avait augmenté, faisons néanmoins le calcul d'élèves par enseignant : nous en arrivons à 9! Si 40 années auparavant il y eut 34 557 élèves, dont ceux du complémentaire, aujourd'hui le seul enseignement fondamental en compte 32 176. *
L'école primaire doit accueillir tous les élèves, l'enseignement secondaire fait le tri dès l'âge de 12 ans et préserve le classique pour l'essentiel des "intrus" étrangers. Je n'ignore pas que le nombre de lycéens non - luxembourgeois a augmenté, de 7,1 % en 1973 à 18,6% en 2010, mais " reste bien inférieur aux taux d'étrangers dans la population totale ou dans les autres ordres d'enseignement" ** Il faudrait voir de près ce qu'il en est de l'origine socio- culturelle des bacheliers, tous passeports confondus.
Quelques questions viennent à l'esprit:
- la formation des enseignants - tant du primaire que du secondaire - a-t-elle évolué au rythme du changement de la composition de la population scolaire?
- combien d'enseignants de tous ordres d'enseignement ont par exemple eu une formation pour l'apprentissage de l'allemand comme une (véritable) langue étrangère?
- combien d'enseignants ont partagé leur parcours scolaire secondaire avec des étrangers?
- y a-t-il au niveau de l'analyse consensus sur le fait que "le système" scolaire n'agit pas suffisamment contre les inégalités sociales? Ou cet argument ne vaut-il pas parce que c'est l'OCDE qui l'a remis sur la table ?
-les nombreux élèves quittant sans certification ni diplôme l'école, une question ne relevant que des statistiques?
-le nombre conséquent de leçons consacrées à l'enseignement des langues, fait - il délier les langues des élèves ou écrire leurs stylos?
- la réussite des enseignants dans le système actuel vaut - elle comme obstacle à toute adaptation non seulement des structures, mais encore des pratiques , alors qu'autour d'eux tout ou presque a changé, par exemple d'autres couches sociales investissant  l'EST ou encore les habitudes nouvelles des jeunes et leur manière décontractée de s'adonner aux nouveaux médias, etc?
-la ségrégation sociale opérée par l'orientation dans des voies hermétiques dès 12 ans peut - elle être évoquée sans tabou et open end en y faisant valoir aussi le souci de la cohésion sociale?
- la séparation dans ES et EST sert- elle à la survie des élites actuelles?
- l'enjeu ne consiste-t-il pas à donner un maximum de bagage pour vivre, travailler et participer dans une société complexe et compliquée, à savoir davantage que maintenant?

On peut rejeter la réforme de la Ministre actuelle, ne pas avancer d'alternative n'est pas digne de celles et de ceux qui se baladent avec des bac + x.

serge kollwelter

*  Classes, enseignants et élèves dans l'enseignement primaire 1949 - 2010, Statec
** Enseignement secondaire général , année scolaire 2009/2010, MENFP

Aucun commentaire: