in: Forum 352
L' architecture institutionnelle de l’UE, pas aisée à décrypter
pour le citoyen-électeur, ne facilite pas le suivi des
dossiers en cours.
Un des législateurs européens,
élu par le corps électoral des 28 Etats –
membre, travaille dans une large transparence et si les élus de ce Parlement
européen sont en principe facilement abordables et atteignables,
il en est tout autrement du 2e législateur, à savoir
les membres des différents Conseils des Ministres. Ils ont
29 adresses, dont toutes sauf deux ailleurs qu'à Bruxelles. Si dans
certains domaines le Conseil est colégislateur, dans d'autres - dont la
politique étrangère de l’UE- il est le seul
décideur. Si d'aucuns contestent la légitimité de
ces Conseils, c'est faire peu de cas des liens entre un Ministre et son
parlement national. Théoriquement chaque Ministre défend
les intérêts de son pays et c'est de ses élus
nationaux qu'il tient sa légitimité.
Nous voilà arrivés aux 28 dimensions
"intérieures".
Lorsque la Commission européenne lance une
initiative législative, elle la soumet aux parlements nationaux qui ont 8
semaines pour se prononcer. Dans le cas où ils
estiment que d'après le principe de subsidiarité la
matière en question relève exclusivement des compétences
des Etats- membre ils peuvent émettre un avis motivé.
Si un nombre requis de parlements nationaux partagent cet avis, la Commission
européenne
doit revoir sa copie, respectivement la retirer.
Le contrôle de subsidiarité confère donc aux parlements nationaux un pouvoir propre. Il leur
permet, d’une part, de s’assurer que les compétences des échelons local, régional et national sont préservées et, d’autre
part, d’intervenir dans le
processus législatif de l’Union européenne, directement auprès des institutions européennes.
La Chambre des députés a fait valoir à deux
reprises des oppositions qui ont abouti a un retrait d’une initiative législative
de la Commission européenne, dont en 2012 le projet
concernant le détachement des travailleurs.
Le délai de 8 semaines est très
court pour permettre un examen approfondi, une prolongation serait sans doute
la bienvenue.
A partir du moment où le projet de directive ou de règlement
européens a surmonté le "test" de subsidiarité,
il sera soumis au Conseil et au Parlement européens pour discussion
et adoption.
Passons sur la suite du chemin - parfois tortueux- de
l'initiative au sein du Parlement et du Conseil et entre les deux, quelque part
ils seront obligés de trouver un compromis. Venons- en
aux relations du membre du Conseil, donc de la ou du Ministre avec la Chambre
des Députés, respectivement sa commission compétente.
De brefs échanges aves les parlementaires
luxembourgeois Marc Angel, Viviane Loschetter, Franz Fayot, Simone Beissel et
Claude Adam permettent de noter que la Chambre s’est dotée
de moyens pour suivre les travaux législatifs en cours « à Bruxelles »,
notamment par un fonctionnaire installé dans les locaux du Parlement européen
à Bruxelles.
La Commission des Affaires étrangères
de la Chambre se réunit tous les lundis et y invite le
cas échéant le Ministre des Affaires étrangères.
Les membres luxembourgeois du Parlement européen y sont invités
systématiquement avec des échos divers … Il
n’y a donc pas de saisine automatique de la Chambre par le
gouvernement, ce qui lui fournirait un appui supplémentaire et un
feedback vers l’opinion publique. A noter que le
Ministre des Affaires étrangères répond
systématiquement aux invitations de la Chambre.
La Commission juridique aurait une pratique semblable avec son
Ministre, sa présidente ayant déjà été invitée
à accompagner le Ministre à certaines
conférences de haut niveau. Il y aurait des briefings / débriefings
réguliers avec le Ministre de la Justice pour ce qui est de
ses dossiers « européens ».
Dans de rares Etats membres (Pays Bas, Danemark) le Parlement donne un mandat à son
Ministre avant une réunion du Conseil. Il n’en
est rien au Grand - Duché. Le rapport mandataire - mandaté est
- il pour autant structurel et conséquent?
Sur le blog de Jan Philippe Albrecht, membre du Parlement
européen pour les Verts
allemands et spécialiste de la protection des données,
on a pu lire à la mi - mai
ceci:
"Mitte Juni
steht die Einigung unter den EU-Mitgliedsstaaten zur Datenschutzreform an, und
kurz danach sollen die finalen Verhandlungen der drei EU-Institutionen
Parlament, Rat und Kommission beginnen. Einen öffentlichen Vorgeschmack wird es am 28. Mai in der
Bayerischen Landesvertretung in Brüssel geben: Im Rahmen der Podiumsdiskussion „Europäische Datenschutzreform auf der
Zielgeraden“ wird Jan Philipp Albrecht mit Bundesinnenminister Thomas de Maizière, der französischen Justizministerin Christiane
Taubira, dem luxemburgischen Justizminister Félix Braz, der EU-Justizkommissarin Jourová und dem CDU-Europaabgeordneten Axel Voss
diskutieren."
Je me suis posé la question si tous les membres de la Commission juridique de notre
Chambre connaissent la position du
gouvernement luxembourgeois en la matière et n’auraient donc appris rien de nouveau, si jamais
ils avaient assisté à cette
conférence- débat.
Il serait intéressant de voir de près
le suivi fait par d’autres commissions parlementaires,
comme celle de l’agriculture ou des finances.
Une autre question fait
l’actualité et ce particulièrement au Luxembourg: celle du roaming en matière
de téléphonie mobile. Sachant qu’il y a blocage au sein du Conseil, quelle est
la position du gouvernement luxembourgeois dans ce dossier? Dans quelle mesure
la Chambre est- elle au courant ?
Les électeurs savent - ils ce que leur Ministre y défend ? Le Premier Ministre
assume le volet roaming en sa qualité de ministre des médias. Il en aurait été
question à la commission des affaires étrangères avec Madame Viviane Reding,
MPE.
Et la société civile ?
Après avoir abordé l'attitude
de la Chambre des Députés en matière de suivi des
politiques de l’UE et les moyens qu'elle se donne, la
même question vaut pour la société civile.
Chambre de Commerce et Syndicats sont bien organisés
à ce sujet.
Je me suis donc adressé à d’autres
organisations de la société civile.
Trois ont bien voulu fournir
des éléments de réponse: ALOS - Ligue
des Droits de l’Homme, ASTI et Caritas, le Mouvement écologique
n'était pas en mesure de répondre endéans la semaine,
Amnesty International et le réseau luxembourgeois de ENAR n'ont pas
réagi.
Partant du fait que ces organisations savent s’y
prendre au niveau du suivi de la législation nationale, je voulais savoir
comment elles s’y prennent pour suivre le « decision
making » des 70% des travaux découlant
de la législation UE, si un réseau européen
dont elles font partie le cas échéant essaie d’influer,
d’inclure les constituants nationaux dans le processus.
D’aucuns sont membre d’un
réseau européen dont le secrétariat suit les dossier à
Bruxelles, essaie de faire du lobbying, surtout auprès du Parlement
européen. Faute de moyens, le même suivi ne peut se
faire à Luxembourg pendant la gestion d’un acte législatif
européen auprès du gouvernement et de la Chambre. Tous
(re-) deviennent actif au moment de la transposition. On entend des
commentaires du genre : « Nous préférons concentrer nos
efforts sur des sujets relevant de la politique nationale et travailler en
produisant nos propres analyses, plutôt que d’agir en simples « réémetteurs » de
positions élaborées par notre réseau européen. »
Relevons l’action de ALOS - LDH en matière de casier judiciaire. Elle avait rendu attentif le législateur luxembourgeois que la transposition relative à l’accord cadre concernant le casier judiciaire allait créer des distorsions par rapport aux
législations étrangères
et aboutir à une
discrimination des résidents
au Grand-Duché. En 2013 la
Chambre n’avait pas tenu
compte de ces remarques. Récemment[1], le
gouvernement vient de lancer une réforme
de la loi en question de pour répondre
au souci formulé par ALOS
- LDH [2]. La
vigilance au stade de la transposition s’impose donc aussi!
Il y a quelques années
les organisations luxembourgeoises citées
ici - et d’autres- avaient
essayé de se concerter et
d’obtenir des moyens pour
un suivi des législations
communautaires. L’initiative
n’a pas abouti.
Ma propre expérience
des réseaux européens d’ONG[3]
m’amène à conclure que ceux- ci sont très actifs sur la scène
bruxelloise, mais y agissent sans vraiment impliquer leurs constituants basés dans les Etats membres. Or ceux-
ci sont indispensables pour agir sur les parlements et gouvernements nationaux.
Cette absence de souci vers le national rejoint quelque part le constat fait
sur les relations entre ministres du Conseil et parlements nationaux.
Il faut parier que la Chambre se mettra à mieux suivre encore (et influencer ?) ce que ses « ministres - émissaires » défendent dans les Conseils de l’UE. Si la même
Chambre est ouverte au niveau national à
la société civile, elle devrait permettre
aux big players institutionnels que sont les Chambres Professionnelles et aux « petits » du monde associatif d’être informés et impliqués d’office… et
pas seulement pour les 30 % des lois relevant de ce qui reste comme souveraineté nationale. Au gouvernement de
saisir les Chambres professionnelles d’un avis sur un projet de directive ou
de règlement
plutôt
que de le faire (trop tard) au moment de la transposition.
serge kollwelter
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