jeudi 9 juin 2016

Quelle volonté politique ?


(tribune libre, 7 juin 2016)


Lorsqu’au milieu du 19e siècle fut introduite la fixation du nombre de conseillers communaux selon le nombre d’habitants pays légal et pays réel furent en concordance, sauf que le droit de vote censitaire ne permettait qu’à quelques milliers d’habitants de s’exprimer.
Depuis lors, la composition de la population a fortement changé au point de s’approcher d’un parfait équilibre (numérique) entre luxembourgeois et résidents étrangers! Même si les derniers peuvent participer et être élus selon certaines conditions, il faut constater que la relation habitants- électeurs a changé fortement. C’est ainsi que si dans la capitale le nombre de conseillers communaux était fixé par rapport aux électeurs, il n’y aurait pas 27 conseillers, mais peut être 10 ou 11!

Le traité de Maastricht a donné suite à une revendication du début des années ’80, à savoir le droit de vote communal des étrangers. Se drapant au départ de dérogations, le Luxembourg a néanmoins avancé au point de permettre à tous, ressortissants de l’UE et de pays tiers, d’être électeur et élus à tous les postes communaux. Cette ouverture bien plus généreuse que dans les autres Etats membres se fonde sur la faible inscription des concernés sur les listes électorales ne donnant de la sorte pas lieu à des modifications des rapports de force électorale.

La question de la légitimité reste donc posée de même que la prise en compte des intérêts et aspirations de larges parties des populations communales, parfois même, comme dans la capitale, de l’écrasante majorité

Les modalités d’inscription: un obstacle ?

Avant d’aborder les aspects concrets de l’inscription, il convient de citer l’obligation de vote qui vaudra une fois inscrit sur les listes tout comme pour les Luxembourgeois: pareille obligation est étrangère à l’immense majorité des cultures politiques et vaut sans doute pour certains comme obstacle psychologique, même si depuis des décennies aucune amende n’est perçue en cas de non - participation …

Les cinq années de résidence qui sont requises à ce jour survivent comme  une des dernières dérogations obtenues par le Grand-Duché à Maastricht.
Notons qu’en Belgique - royaume à obligation de vote - aucune période de résidence n’est requise en ce qui concerne les citoyens de l’Union européenne sauf le délai servant à l’établissement des listes. Chez nos voisins l’inscription se fait par simple renvoi d’un formulaire diffusé aux concernés. Le ressortissant dun pays tiers devra prouver 5 années de séjour en Belgique.
Au Luxembourg cinq années de résidence sont à prouver et ce jusqu’à 87 jours avant le jour du scrutin. Jusqu’au 1 avril 2016 les personnes concernées devaient se rendre
auprès des différentes administrations communales, où elles ont résidé pendant les
cinq dernières années, pour demander à chaque fois un certificat de résidence. Depuis lors les registres communaux des personnes physiques, permettent aux agents communaux de vérifier la période de résidence requise sur base des données du registre national des personnes physiques. Un progrès indéniable !

Un engagement oublié ?

Nous allons assister sous peu à la réduction de la durée de séjour de 7 à 5 ans en vue de la naturalisation, raison de plus pour abaisser celle pour l’inscription sur les listes électorales.
Les députés (de l’époque) Camille Gira, Alex Bodry, Fernand Etgen, André Hoffmann, Gilles Roth et Jean-Louis Schiltz firent adopter le 27 janvier 2011 par la Chambre des députés une résolution stipulant que le Parlement  « décide à l'issue des élections du 9 octobre 2011, d'analyser le déroulement de ces élections et de rediscuter les dispositions relatives au délai de résidence en vue de le réduire. » Les élections communales de 2011 sont passées, les prochaines se pointent à l’horizon. Aux forces politiques ayant adopté la résolution de 2011 d’agir … enfin!

Pour l’inscription: quelles campagnes ?
Avant de sensibiliser il conviendra de simplifier la procédure:

-   en réduisant  la durée de résidence,
-    en permettant l’inscription par internet,
-    en fournissant un formulaire à remplir et à envoyer par la poste.

La dimension politique de l’inscription relève

- de la précision des compétences communales dans les efforts de sensibilisation pour que l’intéressé puisse se rendre compte des enjeux réels et n’aie pas des attentes qui se situent au delà du niveau communal,
- de la participation des élus et des partis politiques actuels du conseil communal à la campagne de sensibilisation,
- d’une présentation des « essentials » des partis politiques pour la période 2017- 2023 sur des thèmes sensibles liés à la vie de de la commune respective pour fournir  aux citoyens une meilleure compréhension des enjeux politiques, 
-    d’une démonstration de cohérence de la part des partis politiques qui se présenteront aux électeurs en proposant  un éventail de candidats tenant compte tant soit peu de la composition de la population. Un ou une seule candidat/e - alibi ne serait pas nécessairement un signe d’ouverture,
- d’une précision quant aux emplois communaux, tous ouverts – sous réserve des compétences afférentes – à tous les résidents. En effet, si la loi permet d’être élu, voire de devenir bourgmestre, il n’ y a pas d’obstacle pour aucun job communal. L’accès aux emplois communaux des citoyens de l’Union européenne relève du cadre juridique de l’Union . Si au Luxembourg un Nigérian ou un Américain pourrait devenir bourgmestre, comment s’imaginer qu’un emploi communal pourrait être refusé à un non – communautaire ?
-   de la diffusion du Programme Communal d’Intégration que toutes les communes sont en train d’élaborer comme illustration d’une volonté politique explicite,
La sensibilisation pourrait se concentrer sur la période précédant le dernier délai d’inscription c’est à dire le 13 juillet 2017, une sorte de précampagne électorale avec éléments de programme et candidats connus s’étalant du 1 juin au 13 juillet. Toute nouvelle campagne devrait bénéficier des enseignements tirés de la campagne de 2011. Y aura-t-il une ou plusieurs journées nationales d’inscription ? Un rôle certain devrait revenir au ZepoBi (Zentrum für politische Bildung) que le Ministre de l'Education Nationale, de la Jeunesse et de l'Enfance est en train de mettre en place. Les publications communales comme CITY pour la capitale devraient présenter les compétences communales, l’historique du droit de vote au Luxembourg, etc.
L’effort et les actions promues ces semaines - ci pour encourager les femmes (étrangères?) à$ se porter candidates aux élections communales de 2017 mobilise gouvernement, communes et partis politiques. Il devrait en être de même pour l’inscription des non - luxembourgeois sur les listes électorales. Pareille campagne ne peut être confiée aux seules commissions consultatives communales pour l’intégration!
Serge Kollwelter, Custodio Portasio, Guy Thomas, membres de la CCI de la ville de Luxembour

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