vendredi 12 juin 2009

Un destin commun sur trépied vacillant

Le législateur a été particulièrement productif ces 12 derniers mois: immigration et libre circulation, naturalisation et intégration sans oublier le congé linguistique: l'arsenal légal a été mis à jour, même si parfois la conviction n'était guère au rendez-vous, sinon comment expliquer par exemple que sous couvert de favoriser l'accès à la nationalité on a allongé la durée de séjour requise de 5 à 7 ans?
Il faudra voir de près les effets de cette fureur législative et le cas échéant en faire un bilan. Notons au passage que le loi d'asile de 2006 prévoyait une évaluation après 2 ans, plus de 1 100 jours sont passés, et le bilan se fait attendre encore.
Mais oublions pour un instant les acquis et les avancées qu'il y a eu et dépassons les détails des programmes électoraux des uns et des autres, pour en venir à quelques défis qui nous attendent .
Nous allons emprunter l'image d'un trépied sur lequel repose la société du Luxembourg.
Premier pilier: L’avenir d’une population découle e.a. des naissances. Les Luxembourgeois fournissent 60% des résidents et les étrangers 40 %. Les premiers ont confié aux seconds leur avenir démographique: sur les 43 644 naissances enregistrées au Grand- Duché de 2000 à 2007 on note 47, 6% qui vont sur le compte des Luxembourgeois et 52,4 % sur celui des non-Luxembourgeois. Néanmoins les uns et les autres n'arrivent qu'à un taux de fécondité de 1,78 enfants par femme: l’immigration aura encore de beaux jours devant elle!
Deuxième pilier: La richesse d'un pays ce sont e.a. ses emplois. La croissance de ceux-ci dans la durée se mesure facilement par l'accroissement du nombre des frontaliers passé en l'espace de 30 ans de 12 000 à 140 000 personnes.
Les Luxembourgeois occupent encore en tout et pour tout 32% des emplois. L'avenir de l'économie et des recettes fiscales est confié aux étrangers sachant par ailleurs que 3/4 des chefs d'entreprise n'ont pas de passeport luxembourgeois.
Troisième pilier: Qui décide de l’affectation des deniers publics? Les élus du peuple bien sûr. Ils seront choisis le 7 juin prochain par 44% de la population résidente, à savoir les détenteurs de passeports luxembourgeois âgés de plus de 18 ans. Le pilier de la légitimité est donc réduit à la portion congrue. Le pays réel s’éloigne en matière d’électorat à pas de géant du pays légal. Reste à savoir dans quelle mesure l’hémorragie sera freinée ou arrêtée par la naturalisation nouveau modèle permettant de conserver la nationalité d’origine au moment d’acquérir la luxembourgeoise.

Une société qui fait reposer son avenir sur les épaules des étrangers peut-elle se satisfaire d’éventuelles décisions individuelles de changement de passeport de ses «hôtes» pour élargir sa base démocratique?
Ne faudrait-il pas une ouverture franche et large vers les non - luxembourgeois, une citoyenneté de résidence promouvant l’adhésion à la société d’accueil et par la-même le renforcement de la cohésion sociale?
Poser la question, c’est y répondre: celles et ceux qui n’envisagent que l’acquisition de la nationalité prennent en compte la lente marche, à pas certains vers une société d’apartheid soft où la caractéristique des décideurs sera leur âge avancé ( je signe coupable) et celle des citoyens sans voix leur force d’innovation et de travail indispensables pour le bien commun?

Nous sommes loin des crispations identitaires que d’aucuns veulent engranger le 7 juin. La réalité sera au rendez-vous dès le lendemain. Elle nous obligera aussi à ouvrir le chapitre des frontaliers. Pourrons - nous continuer à les considérer comme les immigrés des années ’30 du siècle passé: lors de la crise économique leur licenciement signifiait retour au pays et élimination des chiffres du chômage? Cette fois-ci c’est un retour à 20 ou 40 kilomètres seulement. Pourra-t-on, en cas de relance, les réembaucher comme si de rien n’avait été? Qu’en est-il de la Grande Région, du sentiment d’y appartenir: à l’ordre du jour en période «ensoleillée» seulement?

Restons optimistes et forgeons cet optimisme: mettons en route 116 jumelages entre communes luxembourgeoises avec autant de communes allemandes, françaises et belges de la Grande Région, comprenant chacun des échanges scolaires entre écoles primaires/ fondamentales, sans oublier le potentiel des 30 lycées du Luxembourg mettant en route des séjours linguistiques croisés avec autant de lycées de la Grande Région!

Quant au déficit démocratique (nulle part ailleurs en Europe aussi poussé) faisons confiance aux jeunes de tous les partis politiques (excepté ceux de ADR préférant sans doute de perpétuer le privilège des «purs sangs») regroupés dans «Refresh Democracy» et qui envisagent sans peur un avenir démocratique dans lequel les «étrangers» auraient leur place pleine et entière, non seulement dans les maternités, bureaux et chantiers, mais encore dans toutes les enceintes démocratiques!

Serge Kollwelter ( 2 juin 2009)

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