samedi 27 mars 2010

Au moment de célébrer la diversité, n'oublions surtout pas l'égalité!

Au moment de célébrer la diversité, n'oublions surtout pas l'égalité!

Le programme gouvernemental comprend une belle avancée, puisqu'il prévoit de mettre sur un pied d'égalité au plan communal tous les résidents, quelque soit leur nationalité: luxembourgeois, citoyen d'un autre Etat - membre de l'UE ou d'un pays tiers, tous pourront être élus à tous les postes de responsabilité communale, y compris le poste de bourgmestre. Il faut saluer cette perspective tout en espérant qu'elle va se concrétiser bientôt pour être un levier pour l'inscription sur les listes électorales. Il ne faut pas oublier cependant qu'un très puissant moyen attend d'être activé, à savoir le dispositif du traité de Maastricht qui préconise un accès au droit de vote communal des citoyens de l'Union aux mêmes conditions que les nationaux, ce qui signifie dans le cas du Grand - Duché sans la moindre durée de séjour. Les dérogations obtenues par le Luxembourg "permettant" une exigence de 5 ans de séjour doivent être abolies, ou au moins réduites. Encore un chantier à ouvrir rapidement. Reste à évoquer l'hypothèse mise en avant par la Confédération des Communautés Portugaises au Luxembourg CCPL lors de son récent congrès: effectuer comme pour les Luxembourgeois l'inscription d'office sur les listes électorales des étrangers remplissant les conditions.

Ce n'est pas le souci de la diversité qui prévaut quant à l'accès des citoyens de l'UE aux emplois de la fonction publique, mais bien le principe de l'égalité découlant du cadre juridique communautaire. Les tergiversations du gouvernement pour rendre opérationnelle la loi théoriquement en vigueur depuis le 1 janvier dernier créent d'une part un vide juridique puisque la liste des emplois participant à l'exercice de la puissance publique n'est pas encore publiée. Elles sont surtout une expression d'une volonté politique peu développée.

La mobilisation - impulsée par l'ASTI - d'un large éventail d'associations de tous domaines a amené le gouvernement à revenir sur son projet de rendre la vie plus difficile aux asbl.

L'enjeu d'un vivre ensemble est plus urgent en temps de crise, la société luxembourgeoise n'est malheureusement pas vaccinée contre des accès de xénophobie. Dès lors les efforts d'intégration méritent d'être renforcés: il s'agit d'interactions englobant toutes les parties de la société: autochtones, oldcomers et newcomers, demandeurs d'asile et sans papiers, sans oublier les frontaliers.

Une politique d'intégration doit se répercuter sur les terrains communaux, sur les lieux de travail, dans les écoles.

L'ASTI assume sa part de responsabilité en proposant à des communes des pactes d'intégration mettant en oeuvre des actions concrètes. C'est ainsi que des carnets d'accueil pour tous les nouveaux arrivants sont proposés, des coaching pour l'inscription des étrangers aux listes électorales du coaching linguistique, des formations pour le personnel communal.

Si la connaissance des langues est importante, il convient d'explorer des pistes nouvelles. A côté du congé linguistique, malheureusement seulement d'application pour la langue luxembourgeoise, l'ASTI a lancé un projet pilote de coaching linguistique. Il s'agit de mettre à disposition de personnes fréquentant un cours de langue luxembourgeoise des coach c.à.d. des personnes pouvant pratiquer avec elles sur base bénévole la langue luxembourgeoise. Le 21 d'avril une soirée d'information réunira à Mertzig des responsables communaux du Luxembourg et de l'étranger qui auront l'occasion d'échanger leurs pratiques innovantes en matière d'apprentissage de langues.

"La diversité n'est pas un moyen d'instaurer l'égalité: c'est une méthode de gestion de l'inégalité."

Il faut sans doute se féliciter de la façon civilisée de gérer une société cosmopolite en célébrant la diversité. L'éventail des cultures et nationalités présentes pose à première vue moins de problème que dans nos pays voisins ou chez nos cousins néerlandais. Le sous - titre emprunté au petit livre de Walter Benn Michaels "La diversité contre l'égalité" paru aux Editions Raisons d'agir en 2009 peut paraître un brin provocateur. Poursuivons un peu: suffit-il "de comparer les obligations liées à la diversité (tout le monde doit être gentil avec tout le monde) avec celles qu'implique l'égalité (certains doivent renoncer à leur richesse) " ? En cette année européenne contre la pauvreté, citons encore Michaels:"si nous parvenons à nous convaincre que les pauvres ne sont pas des personnes qui manquent de ressources, mais des individus qui manquent de respect, alors c'est notre attitude à l'égard des pauvres, et non leur pauvreté qui devient le problème à résoudre." Remplaçons personnes et individus par peuples et nations et nous aurons fait le tour du monde et invoqué la tourmente dans laquelle se débat une partie de l'humanité.

Revenons à la diversité. Elle a remplacé la lutte contre le racisme, qui devait agir pour une société aveugle aux couleurs. Nous voilà à fêter une société diverse, fière de ses couleurs, plus question de faire disparaître les différences (économiques), nous l'apprécions au plus haut point. Le combat pour l'égalité n'est-il plus à l'ordre du jour? La pauvreté a -t-elle été éliminée parce que nous l'avons réglée par la reconnaissance des pauvres: pensez que nous leur consacrons une année! Elle passera comme toutes les autres années "européennes" sans que pour autant la situation des pauvres et des inégalités aura été abordée. La vague néolibérale a envahi les esprits et soulevé la passion pour la culture et les cultures avec au diapason la disparition de l'agenda politique du problème de l'inégalité. On assiste même en quelque sorte au remplacement du terme de race par celui de culture: on ne court pas le risque d'être peu ou mal considéré en célébrant la deuxième. En un tour de main on aura en même temps tordu le cou à la question de l'inégalité: la pauvreté ne donne pas lieu à polémique: la souffrance de celles et ceux qui en sont victimes ne trouve pas échos dans les enceintes démocratiques.

Qu'apportera une part plus forte de femmes dans les instances dirigeantes de la politique et de l'économie? L'élite sera plus diverse, le fossé entre riches et pauvres n'aura pas été comblé pour autant.

Lors du débat organisé par l’ASTI le 16 novembre 2006 , Alain Touraine avait insisté sur la nécessité de recentrer le débat sociétal sur la justice sociale plutôt que sur le fourre – tout de cohésion sociale.

Défis à venir.

Si en 2002 Monsieur Jean Claude Juncker, Premier Ministre, avait mis en exergue lors de sa conférence dans le cycle "Migrations: les enjeux" la question des frontaliers et annoncé un revirement du gouvernement en matière de législation sur la naturalisation mènant vers la loi dite de double nationalité, nous attendons avec impatience et curiosité la conférence que le chef du gouvernement donnera le 29 mars au soir au Centre de Rencontre Neumunster à Luxembourg-Grund: « Bilan et perspectives des politiques d'immigration et d'intégration ».

Pour l'ASTI le vivre ensemble s'épanouit certes dans la diversité des cultures, mais doit être assorti de droits et de devoirs égaux pour tous.

Le conseil d’administration de l’ASTI

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