lundi 25 février 2019

Lourds héritages à assumer

Luxemburger Wort 23 février 2019

Une coalition gratifie les gagnants et pénalise les perdants: normal direz vous ! En tout cas, il en a été ainsi au niveau de la répartition des compétences en matière d’accueil et d’intégration du présent gouvernement. Tenant compte du peu de coordination entre les Ministères respectifs, d’aucuns avaient souhaité que la procédure d’asile, l’accueil et l’intégration se retrouvent sous une même autorité ministérielle. Il y a certes eu redistribution des cartes, sans véritable cohérence cependant. Les « mauvaises » cartes de l’accueil des demandeurs de protection internationale ont été refoulées du Ministère de la Famille à celui des Affaires Etrangères. Pourquoi mauvaises ? Il n’y a qu’à lire l’avis de la Commission Consultative des Droits de l’Homme quant à l’état des lieux d’hébergement des demandeurs de protection internationale: il y est question de vétusté, d’insalubrité, de promiscuité, d’absence d’intimité, etc.  Voilà pour une partie de l’héritage. La forte occupation des foyers est due au nombreux bénéficiaires du statut « obligés de rester dans les hébergements collectifs faute de pouvoir se reloger dans des logements privés. ». Héritage aussi d’une non - politique de création de logements à prix abordable pour toute la population. Cet aspect va changer, nous le verrons. 

Quelque part la nouvelle répartition a empiré les choses en séparant accueil et intégration, alors que la quasi unanimité des experts estiment qu’il faut fournir des moyens d’intégration aux réfugiés au plus vite, dès l’arrivée. Des cours de langue et un accès rapide au travail ne doivent pas seulement meubler la période d’attente d’une décision, mais renforcer le bagage des concernés pour affronter la vie hors foyer, hors REVIS. Le modeste PIA (Parcours d’Intégration Accompagné) en constitue un premier élément.
Sur la voie de l’autonomie une implication des personnes hébergées à la gestion du foyer est prévue par la loi du 18 décembre 2015 en son article 10.7, mais restée lettre morte à ce jour. Des cartes de crédit prépayées et des infrastructures pour cuisiner dans les foyers constitueraient une initiation à la gestion de leur vie de tous les jours autrement puissante que l’assistanat actuel et les 25€ d’argent de poche mensuel.
D’autres attentes par rapport aux responsables de l’immigration et donc de l’accueil concernent la mobilisation des communes: 28 seulement hébergent des réfugiés. Dire que l’Etat prend en charge à 100% l’acquisition, l’aménagement ou la construction de logements pour réfugiés par des communes! 

Si donc, une fois le statut obtenu, le réfugié passe sous l’égide du Ministère de l’Intégration, il appartiendra à celui - ci de trouver un logement hors foyers. D’une pierre deux  coups: de quoi loger les réfugiés reconnus et conférer une compétence pour le nouveau département Intégration du Ministère de la Famille. D’autres dossiers attendent ce département comme un élargissement du congé linguistique, la mise en musique du Plan d’Action National Integration, l’abandon des dérogations obtenues dans le traité de Maastricht en matière de droit de vote communal.
En matière d’antidiscrimination le Conseil de l’Europe constate dans sa publication récente sur la « Situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit » (5e rapport du Conseil de l’Europe, mai 2018) que « (..) les organismes de promotion de l’égalité n’ont pas les compétences suffisantes pour réaliser un travail efficace, notamment la compétence pour recevoir des plaintes, fournir une assistance juridique et une représentation juridique aux personnes victimes de discrimination et d’intolérance. Ils ne peuvent pas non plus saisir des institutions et tribunaux en cas de discrimination (Luxembourg et Suisse, par exemple) ». Au Luxembourg, il s’agit du Centre pour l’Egalité de Traitement notoirement sous équipé en moyens humains et doté de compétences limitées pour agir. Le CET relève du Ministère de la Famille.

L’accord de coalition affirme dès son préambule que « L’intégration et l’inclusion socio-culturelle seront au cœur de l’action gouvernementale». On cherchera longtemps dans les 235 pages pour en trouver une seule (!) consacrée à l’intégration. Cela donne à penser que le cœur n’y est pas ou alors qu’on n’a pas d’idées. Aurait-on oublié le catalogue des bonnes intentions du PAN Intégration adopté le 13 juillet 2018 et dont on attend toujours un premier appel à projets. Ce plan vaudra par les moyens budgétaires lui alloués. Le budget 2019 va fournir des premières réponses.

Dans une situation où les inégalités se creusent dans la société du Luxembourg et par là secouent  la cohésion sociale, terminons avec les dernières lignes du petit bouquin de Walter Benn Michaels « La diversité contre contre l’égalité » (Raisons d’agir): « Plutôt que de consacrer notre énergie à respecter l’illusion de la différence culturelle, nous ferions mieux de travailler à réduire la différence économique. »

serge kollwelter

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