Au moment où le gouvernement fait un appel à projets pour a sensibilisation aux inscriptions des étrangers sur les listes électorales, voici un texte datant de fin 2027
Ne pas bousculuer les équilibres politiques
Pour compléter l’état des lieux des inscriptions des étrangers sur les listes électorales présenté par le CEFIS dans Forum 372 voici quelques éléments de réflexion.
Rappelons les conditions de participation des étrangers aux élections communales: résider au Luxembourg depuis 5 ans et être âgé de 18 ans le jour de l’inscription. Les directives européennes stipulent les mêmes conditions de participation pour les citoyens de l’UE que pour les nationaux. Faisant valoir « sa » dernière dérogation obtenue à Maastricht, le Luxembourg maintient ces 5 ans. Un Luxembourgeois n’ayant jamais résidé au Grand - Duché et venant s’y installer une quinzaine de jours avant les élections pourra ou plutôt devra y participer.
En Belgique, autre pays à vote obligatoire, le citoyen de l’UE n’aura aucune période de résidence à faire valoir: le contexte politique d’une commune de Bruxelles n’est certainement pas plus simple à comprendre en l’espace de quelques semaines ou mois qu’à Luxembourg. Chez nos voisins belges l’inscription se fait par simple renvoi d’un formulaire diffusé aux concernés. Le ressortissant d’un pays tiers devra prouver 5 années de séjour en Belgique.
Entretemps chez nous la durée de séjour en vue de la naturalisation est passée de 7 à 5 ans, raison de plus pour abaisser celle pour l’inscription sur les listes électorales.
Pour les élections communales du 5 mai 2016 à Londres l’inscription - y compris pour les nationaux - pouvait se faire jusqu’au 18 avril 2016, à savoir 3 semaines avant le scrutin.
Les députés (de l’époque) Camille Gira, Alex Bodry, Fernand Etgen, André Hoffmann, Gilles Roth et Jean-Louis Schiltz firent adopter le 27 janvier 2011 par la Chambre des députés une résolution stipulant que le Parlement « décide à l'issue des élections du 9 octobre 2011, d'analyser le déroulement de ces élections et de rediscuter les dispositions relatives au délai de résidence en vue de le réduire. » Les élections de 2011 sont passées, les prochaines se pointent à l’horizon: la résolution est restée sans effets.
Voilà pour ce qu’il en est de la volonté politique concernant le cadre légal. Il faut relever cependant que le Luxembourg est pionnier. En effet, le dispositif communautaire réserve les droits de vote actif et passif aux seuls ressortissants d’un autre Etat membre. Au Grand- Duché les 2 droits de vote sont accordés sans discrimination aux étrangers venant de pays tiers au point qu’un Nigérian ou un Américain pourrait devenir bourgmestre. Bel argument pour le Nation branding, malheureusement non utilisé à cet effet!
Avant d’aborder les moyens de campagne et de sensibilisation, un petit arrêt sur la représentativité des futurs élus. Lorsqu’au siècle passé le nombre de conseillers par commune a été fixé selon le nombre d’habitants, électeurs et luxembourgeois correspondaient grosso modo. Si aujourd’hui on fixait le nombre d’élus selon le nombre d’électeurs, la fière capitale n’aurait droit qu’à 7,56 conseillers au lieu des 27 à élire en octobre pour 32 000 électeurs sur 114 000 résidents. La capitale n’est évidemment pas la seule à avoir des élus surévalués.
Sensibilisation ou infantilisation?
A regarder de près deux des flyers de sensibilisation actuellement en circulation, à savoir celui du gouvernement et celui de la capitale, on a la nette sensation que les destinataires sont considérés comme des administrés qu’il faut prendre par la main et non des citoyens à prendre au sérieux et auxquels ont expose les enjeux.
Le dépliant national voit y fleurir sur 0,7 m² dix langues. Que nous disent-elles? Les formalités d’inscription sont détaillées, neuf domaines de compétences communales sont évoqués par des slogans minimalistes. On n’y distingue pas entre les missions légales et donc obligatoires, comme la fourniture d’eau ou l’aménagement des écoles fondamentales et celles qui relèvent de choix politiques. Le mot “choix” ne figure nulle part, tout comme le mot “logement”. Elire des représentants pour gérer pendant six ans la commune est un acte éminemment politique qui permet aux citoyens de choisir des programmes, des personnes. Le logement est un vrai souci pour beaucoup de citoyens – luxembourgeois et étrangers - et relève de priorités politiques certes non - obligatoires. La commune peut y devenir active, elle a même droit à de substantielles aides financières de la part de l’Etat. Citons Bernard Thomas dans le Land du 5 mai 2017 : « (..) un nouveau PAG a des implications politiques évidentes. A fortiori dans une capitale ou à peine un tiers des habitants est inscrit sur les listes électorales. Alors que les non - Luxembourgeois (majoritairement locataires) n’ont quasiment aucun poids électoral, celui de la minorité luxembourgeoise (majoritairement propriétaires) est démesuré. (…) Politiquement, les immigrés restent donc cantonnés aux marges et les expats dans une forme d’extra - territorialité, renforcée par le fait que 46 pour cent des enfants de la ville sont inscrits dans des écoles non - communales (privées et européenne). L’élection se jouera donc largement dans un entre - soi anachronique et figé, c’est à dire 29,2 pour cent de Luxembourgeois (..) ».
Complétons par un regard sur la démographie de la capitale pour constater que les étrangers se concentrent dans la population active, les nationaux dans la partie âgée.GRAPHE Ce n’est qu’à partir de l’âge de la retraite que les luxembourgeois « prennent le dessus ». Reste à savoir quel est le pourcentage de fonctionnaires publics dans la population de nationalité luxembourgeoise. Les élus au service des fonctionnaires et des vieux?
Retour au flyer national : Silence sur des attitudes possibles d’une commune par rapport à l’hébergement de réfugiés, sur l’enjeu que peut constituer un plan communal d’intégration. Rien sur le droit de se porter candidat, sur l’accès aux emplois communaux. Dans quelle(s) langue(s) l’électeur étourdi par les dix langues du flyer sera-t-il informé des candidats et des programmes pendant la campagne électorale à venir ?
Le flyer de la capitale ne fait mention d’aucune compétence de la commune, évoque cependant qu’on peut se porter candidat dans les termes suivants: « Participer au processus électoral, autant de façon active que passive, est un droit ! Bénéficiez-en et exprimez votre opinion. »
Il est nulle part question que l’étranger peut- à compétences (linguistiques) égales - être admis à TOUS les emplois communaux: la loi admet un bourgmestre originaire d’un pays tiers, peut-elle lui refuser dans un autre cas de figure le poste de secrétaire communal, par exemple? Encore que l’élu n’aura pas été soumis au moindre test de langue(s)!
Tout un chacun est amené à se poser la question du faible taux d’inscription. Les raisons en sont multiples: du désintérêt des concernés à la forte rotation de la population, de la réticence face à l’obligation de vote à l’absence des étrangers dans les partis politiques et parmi les candidats, d’une campagne minimaliste à une période d’inscription déphasée des élections.
En tant que membre de la Commission de l’Intégration de la capitale je me permets simplement de renvoyer aux compte rendus publiés sur le site de la ville. Tout un chacun pourra constater que les nombreuses propositions de campagne avancées par le Service de Communication de la ville sont restées lettres mortes.
La volonté politique se drape de bons sentiments et de déclarations de principe. Après le désastre du référendum, le maintien de l’équilibre politique est plus préoccupant que jamais. Un élargissement significatif du corps électoral contiendrait trop d’inconnues, autant procéder par doses homéopathiques!
La campagne officielle est dotée de 60 000 €, celle pour amener des femmes à se candidater de 160 000 €. Le Zentrum für politische Bildung reste silencieux, alors qu’il pourrait produire autre chose que des flyers non-disants.
La légitimité des élus prend des allures d’apartheid, sans pour autant inquiéter les fiers hérauts de la démocratie.
Ils font semblant d’ignorer que la situation du Luxembourg est à comparer avec les pays à vote non obligatoire. Le taux de participation dans ces pays est un indicateur de la vie démocratique, chez nous l’enjeu du taux d’inscription des étrangers est de même nature.
Dès lors, pas de quoi pavoiser au Luxembourg !
serge kollwelter
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