dimanche 21 novembre 2010

Des intentions aux actes

in: Letzebuerger LAND 19.11.2010

Le vivre ensemble au Luxembourg est une réalité de tous les jours, il se vérifie au quotidien et a bénéficié pendant longtemps d’un contexte économique favorable. Malheureusement la cohésion sociale a été fissurée récemment par les mesures discriminant les frontaliers.

La dynamique d’intégration peut être soutenue et développée par un cadre législatif.

Ces dernières années les responsables ont transformé un certain nombre de préoccupations en des lois. Relevons dans ce contexte la réforme – timide – du code de la nationalité permettant la nationalité multiple, l’introduction du congé linguistique ou encore la loi d’immigration.

La loi d’intégration adoptée fin 2008 ouvrait de nouvelles perspectives et avait fait naître des attentes. Il y a lieu de regretter qu’aujourd’hui, à la veille de la Conférence Nationale de l’Intégration, nous en restons aux attentes. Certes la loi a créé l’Office Luxembourgeois pour l’Accueil et l’Intégration - OLAI. Cette nouvelle administration issue du Commissariat du gouvernement aux étrangers assume de nombreuses tâches comme par exemple l’hébergement des demandeurs d’asile ou la gestion des programmes européens d’intégration (FEI) et pour les réfugiés (FER) . Il faut constater la privatisation de certaines tâches de l’OLAI respectivement la sous-traitance par des boites de consultants ou encore des sommes faramineuses payées à des entreprises d’audit . Si toutes les dépenses du budget de l’Etat étaient vérifiées avec la minutie consacrée aux projets cofinancées par OLAI et la Commission européenne, les firmes d’audit seraient en expansion exponentielle et les finances publiques y consacrées aussi.

Les attributions financières à des opérateurs associatifs ne brillent pas par leur transparence, la volonté du législateur de confier un rôle important aux communes en matière d’intégration a une répercussion budgétaire modeste de l’ordre de 100 000 euros pour soutenir des politiques d’intégration communales.

Néanmoins le plan quinquennal d’intégration et contre les discriminations reste lettre morte tout comme le contrat d’intégration, l’un et l’autre prévus dans la loi de 2008, mais attendant un règlement grand-ducal d’exécution.Il sera particulièrement intéressant de savoir en quoi consistera le caractère attractif de ce contrat d'intégration. Quel est le sort de la proposition du Conseil Economique et Social de permettre l'accès à la nationalité luxembourgeoise dès 3 ans de résidence à celles et ceux qui auront fait un contrat d'intégration?

Dans la perspective du plan quinquennal un large forum de consultation avait été organisé le 9 décembre 2009. Plusieurs centaines de personnes y avaient participé. A l'issue de ce forum de consultation un large éventail de syndicats et d'associations avaient transmis à l'OLAI leurs conclusionset propositions. Depuis lors aucun écho des suites et des travaux entrepris, si ce n’est que pour début décembre 2010 un nouveau forum de consultation est prévu. Cette façon de procéder n’est pas nécessairement le signe que les personnes consultées sont prises au sérieux.

La voix des étrangers devait pouvoir mieux s’articuler au niveau national et communal, tel est l’exigence du législateur. Il s’avère que celui –ci veut que le Conseil National des Etrangers soit vraiment le porte parole des étrangers qui y seraient désormais majoritaires. Or les modalités concrètes se font attendre au point que le CNE sortant a terminé son mandat de 3 ans et que pour l’instant il n’y a pas d’organe consultatif en place. Les instances consultatives communales que le législateur demande à être réformées sont elles aussi dans l’incertitude quant à leur sort.

Regagner le suffrage universel

Alors que le droit de vote était un apanage de l’Etat national et lié à la nationalité, la citoyenneté de résidence a progressé. Depuis la revendication associative des années ’80 du droit de vote des immigrés au traité de Maastricht qui a consacré ce principe au niveau des scrutins communal et européen, le Luxembourg a hésité entre des avancées et des réticences. Une avancée certaine par rapport au traité de Maastricht c’est l’accès au droit de vote des ressortissants de pays tiers et leur traitement égal aux citoyens de l’Union européenne puisque les uns et les autres auront d’ici peu la possibilité de se faire élire au conseil communal et d’y accéder, si leur score électoral les y propulse, aux responsabilités suprêmes de bourgmestre et d’échevin. D’autre part les hésitations des gouvernements successifs ont maintenu les dérogations obtenues au traité de Maastricht pour le Grand - Duché. Maastricht stipule simplement que le citoyen de l’Union doit accéder au droit de vote aux mêmes conditions que le national. Ce qui signifierait au Luxembourg pas de période de résidence. Mais cela devrait aussi signifier inscription d’office, les Luxembourgeois étant électeurs d’office eux aussi. Dès lors dans le cadre légal actuel il y aurait évidemment obligation de vote pour les uns et pour les autres. Les efforts et les sommes consacrées à des campagnes pour l’inscription sur les listes électorales des non – luxembourgeois pourraient être utilisées pour une sensibilisation de toutes et de tous à la participation à la vie de la société. Instaurant le suffrage universel des hommes et des femmes dès 1919, le Grand-Duché se doit de reconquérir cette situation dans les meilleurs délais. L’inscription d’office sur les listes électorales y contribuerait de façon décisive et répondrait par ailleurs au sacrosaint principe de non discrimination appelant aux urnes tous quelque soit leur nationalité, leur origine sociale ou leur intérêt pour la chose publique, comme c’est actuellement le cas pour les autochtones.

En attendant de satisfaire pleinement aux exigences de traitement égal du traité de Maastricht , il faudra envisager des pas hardis. Il y en a un qui est en route comme nous l’avons vu : le projet de loi 5858 ouvrira le droit de vote passif à tous les électeurs. L’abaissement de la période de résidence de 5 à 3 ans serait un autre moment fort.

En friche et en attente

Quelques autres initiatives sont entamées, sans avoir abouti. Prenons le cas de l’accès à la fonction publique. Au lieu d’être proactif le gouvernement a commencé seulement à agir en cette matière sous la menace d’une nouvelle condamnation par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Une loi a été votée en décembre dernier, inopérante jusqu’à la publication en mai du règlement grand ducal précisant de façon exhaustive les postes réservés aux nationaux parce relevant de l’exercice de la puissance publique.

A ce jour le règlement grand ducal précisant les postes communaux réservés aux Luxembourgeois n’est pas encore entré en vigueur.

Pourquoi cette frilosité ? Pourquoi ne pas permettre à la fonction publique de recruter dans toute la population résidente les personnes les plus aptes et les mieux qualifiées pour le service public quelque soit par ailleurs leur nationalité ?

Dans le chapitre "Culture" du programme gouvernemental il est question au point 14: "Pour mieux appréhender la diversité culturelle du Luxembourg et arriver à un vrai échange intégrateur, le Gouvernement créera un «forum des cultures». Cette plateforme fera se rencontrer les acteurs des associations et institutions culturelles ainsi que des citoyens étrangers et luxembourgeois notamment en vue du dialogue interculturel." Quand va démarrer ce dialogue prévu?

Le Ministre de la Justice précédent avait mis sur les rails un projet de loi sur les asbl qui allait signifier l’asphyxie pour beaucoup d’entre elles. Son successeur l’a stoppé, mais n’est pas (encore) disposé à chercher le dialogue avec le monde associatif. L’avis du mouvement associatif, dont sont issus les signataires, avait d’ailleurs été porté par un large spectre d’associations de toutes nationalités, dont de puissantes fédérations «luxembourgeoises » .

Fin décembre il va falloir avoir transposé la directive européenne « retour » connue aussi comme « directive de la honte ». Elle doit gérer les retours des personnes en situation administrative irrégulière. Comme le projet de loi, adopté il y a quelques semaines au Conseil de gouvernement n’a été déposé à la Chambre que le 9 novembre, il est pratiquement exclu qu’il puisse être adopté dans les délais. Une nouvelle condamnation par la Cour Européenne est donc plus que probable.

Pour ce qui a percé cette transposition semble contenir des éléments positifs comme celui de prévoir des alternatives à la rétention administrative des personnes dites « sans papiers ».

Nous ne pouvons pas conclure sans plaider pour une régularisation des sans papiers : tant que le Luxembourg et l’Union européenne ne mettent pas en œuvre une politique d’immigration commune, il y aura des personnes qui encourent tous les risques pour améliorer leur condition et celles de leur famille !

Les élections communales d’octobre 2011 sont à la porte : trouverons nous une porte timidement entrouverte ou une volonté franche et massive d’élargir la démocratie ? Aux élections législatives de 2009 il y avait 45% de la population résidente qui y ont participé.

Franco Avena, Sylvain Besch, José Coimbra Matos, Eduardo Dias, David Foka, Christophe Knebeler, Serge Kollwelter,Guy Reger, Romain Roden, Pablo Sanchez, Mily Tasch-Fernandes, Laura Zuccoli.

Aucun commentaire: